• ANCIENS CHATEAUX DE LA MANCHE PAR GERVILLE : ARR. COUTANCES [2]

     ... Suite de l'arrondissement de Coutances : cantons de Perriers, Lessay, Saint-Malo-de-la-Lande, Saint-Sauveur-L'Endelin, Coutances, Montmartin-sur-Mer.

    Pour revenir au précédent canton de la Haie-duPuits, aller ici. [NdB]. 

     

    CANTON DE PERIERS.

     
    43. CHATEAU DU PLESSIS.

     

         Voici le second canton septentrional de l'arrondissement de Coutances. Nous joindrons à cette division celui de Lessay quoique un peu méridional. Ceux de Saint-Malo de la Lande et de Coutances, formeront la division du centre celle du midi sera composée des cantons de Montmartin-sur-mer, de Bréhal et de Gavray. De cette manière nous parviendrons facilement jusqu'aux limites de l'arrondissement d'Avranches.
          Le château du Plessis est tout près du canton que nous venons de quitrer. Le mont de Lithaire est au bout du Montcastre sur ce dernier canton. La majeure partie du Montcastre vers le levant à un quart de lieue de Lithaire dépend de la paroisse du Plessis.
          Le château du Plessis situé à une lieue au levant de celui de Lithaire, a eu comme celui-ci une origine antérieure à la conquête, bien plus, il était démoli alors.
          Au commencement du règne du duc Guillaume, il appartenait à Grimoult qui, vers î046 (Gall. Christ. XI. col. 441. instrum. Col. 65 - Guill. Pict. apud Duchesne Nom. scrip. col. p. 179. Guill. Gemetic, ibid. p. 275 chroniq. chez le Mégissier p. 71, 72 et 73. Wace Roman de Rou.), fut dans le Cotentin le principal agent d'une conspiration pour ôter au jeune souverain les états et la vie. On connaît les détails de cette conspiration, le danger que courut le prince au château de Valognes, où il faisait alors sa résidence, la victoire qu'il remporta au Val-des-Dunes sur le comte de Brionne et ses partisans la fuite des chefs de ce parti la prison et la mort de Grimoult du Plessis. Mais ce qui pourrait jeter de l'incertitude sur le château qui nous occupe, c'est que Grimoult possédait aussi dans le Calvados le château du Plessis-Grimoult, qui fut confisqué par le duc Guillaume et où ce prince fonda un prieuré dont l'acte de fondation est
    remarquable par des expressions d'indignation et de courroux contre le dernier possesseur (Gall. Christ. at suprà).
          Il n'y a pas de doute que Grimoult possédait cette seigneurie dans le diocèse de Bayeux mais il est également constant qu'il tenait aussi le chastel du Plessis entre Coutances et Quérentan. (Chronique de Normandie. Le Mégissier p. 71 verso)

         Le duc fit démolir les forteresses de ses ennemis. Grimoult mourut dans les prisons de Rouen vers 1048.
           Depuis ce temps je ne vois rien qui me porte à croire que les fortifications du Plessis aient été relevées. Dans les chroniques et surtout dans les anciennes chartres en faveur de monastères et spécialement de l'abbaye de Lessay je trouve les noms de quelques seigneurs du Plessis (Ex dono Turstonis Halduc et Eudonis filii ejus et concessione et confirmatione Roberti de Haiâ et mimel uxoris et Ricardi et Radulfi filiorum corum ecclesiam sancti Ermelandi juxtà Plesseium (la chapelle Saint-Ermeland) et decimam partis suae de Manerio Plessei. Ex dono Roberti de Haia ecclesiam Sancti Quirini de Plesseio. (l'égl. du Plessis.) Neust. pia p. 618 et 619. ), mais nulle part il n'est parlé de leur château.
          Je n'oserais toutefois pas assurer qu'il n'a jamais été fortifié depuis le duc Guillaume.
          Quoi qu'il en soit, son emplacement est considérable et très pittoresque surtout au midi à quelques pas au-dessus du moulin en suivant la route de Coutances. C'est de ce point qu'il fut dessiné il y a quelques années par M. Cotman avec lequel j'étais. Mais comme il n'a pas publié la vue qu'il en avait prise il a été de nouveau dessiné et M. de Caumont compte publier ce dessin dans l'atlas du second volume
    des mémoires de la société des Antiquaires.
          Nous avons vu que sous le duc Guillaume et ses fils la seigneurie du Plessis était aux fondateurs de l'abbaye de Lessay. Le livre rouge de l'échiquier va nous faire connaître ceux qui l'avaient sous le règne de Henry II elle était alors aux Lahaie, Radus de Haia duo milites et dimidium de honore de Plesseio. (Lib. rubri Scaccarii penès nos, p. 2)
    En 1195, Philippe Auguste était en possession de la châtellenie du Plessis et la donna avec d'autres terres à Richard de Vernon en échange pour le château de Vernon. (Laroque hist. d'Harc. p. 186) Mais au temps de la confection du registre des fiefs le château du Plessis était au Roi de France : honor de Plesseiz quem rex tenet in manu sua debet servicium quatuor militum ( Lib. feod. domini régis Philippi penès nos, p. 1)

         Nous avons vu plus haut à l'article de Canville que le château d'Ollonde était dépendant de la baronnie (de honore) du Plessis.
    Depuis Philippe-Auguste la seigneurie du Plessis, devenue fiefferme avait perdu son importance. Elle fut concédée par Louis XIV aux ancêtres du duc de Coigny qui alors possédaient déjà d'autres biens dans le Plessis. (V. l'arrêt de Courcy 1767.)

     

    [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-du-plessis-lastelle-manche-a130752548 ] 


    44. CHATEAU DE GORGES

     

         La paroisse de Gorges est continue à celle du Plessis vers le midi.
    Un seigneur de cette paroisse était à la bataille de Hastings avec le conquérant. On trouve son nom sur presque toutes les listes. (Liste de Brompton, Duchesne, Masseville, Collinson, Somerset tome I. p. 154 et passim. Hutchins Dorset, tome II. p. 279 et seqq. jusqu'à 306) Il obtint des concessions dans le pays conquis où ses descendants devinrent très puissants par le mariage de Raoul de Gorges avec une héritière de Morville qui lui donna de grands biens et entr'autres les seigneuries de Wraxall et de Bradpole dans les comtés de Dorset et de Somerset. Les Baronnages éteints d'Angleterre donnent, ainsi que les historiens des deux comtés dont je viens de parler des détails très étendus sur cette famille.
          La quarante-septième année du règne de Henri en Angleterre Raoul de Gorges fut fait gouverneur du château de Sherburn puis Sheriff du comté de Devon et gouverneur d'Exeter son fils Raoul fut un des plus grands capitaines de son temps. La vingt-unième année du règne d'Edouard Ier il fut fait maréchal d'une armée que ce Roi envoya en Gascogne ou les Français le firent prisonnier au moment même ou il était occupé à rendre la justice cum sderet pro tribunali ad judicium faciendum (Henry Knyghton apud Twisden Angl. script. X. col. 2500).
          Je ne finirais pas si je voulais donner tous les détails sur l'illustration et la grande richesse de cette famille en Angleterre. D'un autre côté je ne serais pas moins embarrassé de vous dire ce qu'elle a fait en Normandie où il n'est pas certain qu'elle ait subsisté depuis les confiscations de Philippe-Auguste. Tout ce que j'en ai pu trouver c'est que le fief de Gorges relevait de la baronnie (honore) de Méautis et qu'il fut saisi par Philippe-Auguste au commencement du treizième siècle (Lib. feod. reg. Philippi penès no°. p. 5).
          Dès le règne de St.-Louis la paroisse de Gorges avait trois seigneurs et autant de cures, dont une était à la présentation de Robert de l'Epesse une autre à celle du Roi comme représentant le seigneur du fief confisqué sur Thomas de Gorges la troisième avait été aumonée au chapitre de la collégiale de Mortain par un seigneur de Camprond. Au commencement de !a révolution ces trois cures existaient et portaient les noms de l'Epesse, de Camprond et de Paris ou du Roi.
          Les mêmes raisons qui empêchent de suivre les traces des seigneurs de Gorges en Normande depuis ta conquête de l'Angleterre jusqu'au retour de la province sous la domination française, embarrassent également ceux qui veulent retrouver leurs châteaux. Je n'ai pu y rencontrer aucuns de ces emplacements qui comme au Plessis sautent pour ainsi dire aux yeux de ceux qui les cherchent ici il semble qu'il y en a plusieurs.
           Près de la chapelle Ste-Anne, à l'entrée du marais on voit une enceinte en terre, assez semblable à celles de nos redoutes modernes, sans aucune motte ou tertre.
          Un emp!acement plus probable de château à Gorges se trouve au levant delà chapelle Sainte-Anne sur Ie lieu nommé leCâteletde Gorges, situé près d'un pièce de terre de la ferme du Hommet appartenant à madame de Vauquetin descendue des Camprond. La butte extrêmement entamée de ce Câtelet et peu reconnaissable, est située entre deux pièces, dont une s'appelle le Gardin-Potier et l'autre le C!os-Guerrier. La place des fossés a été comblée et tellement applanie qu'on se doute à peine qu'il y en ait jamais eu.
          D'un autre côté on prétend aussi qu'il y a eu jadis un château-fort à la grande ferme nommée la Cour de Gorges à une demi lieue de la vers le couchant et bien plus près de l'Eglise, on en indique même l'emplacement à l'endroit où existent les ruines du colombier de la ferme.
          Mais dans toutes ces indications je ne trouve rien de positif de nouvelles recherches sont indispensables et je crains qu'elles n'aient pas un succès complet.
          Au surplus il ne faut pas s'étonner si l'on trouve à Gorges des traces d'anciennes fortifications à plusieurs places différentes. Nous avons vu qu'il y avait plusieurs seigneurs (V sup. page 238) qui portaient le nom de la paroisse et dont St.- Louis possédait les biens par confiscation Robert de l'Epesse chevalier, un des bienfaiteurs de l'abbaye de Blanchelande et les Camprond. Il n'en faut pas davantage pour expliquer les dîfferents retranchements de Gorges.et d'ailleurs en donnant cette explication comme plausible je suis loin de dire qu'elle est incontestable.

     

    46. CHATEAU D'AUBIGNY.

     

         La paroisse d'Aubigny est située à une lieue au levant du bourg de Périers c'est le berceau d'une famille très puissante en Angleterre et en Normandie, pendant le temps que le Conquérant et sa postérité régnèrent sur ces deux pays. Depuis le retour de notre province à la couronne de France les biens de cette famille en France, ont été réunis au domaine de la couronne mais en Angleterre elle n'a pas cessé d'être très puissante et très distinguée. Le premier duc de la grande Bretagne (le Duc de Norfolk) se fait encore aujourd'hui honneur d'en être descendu.
          Le seigneur d'Aubigny, qui accompagna le duc Guillaume à la conquête, était un des grands officiers du duché de Normandie. Dans presque toutes les listes de cette expédition il porte le titre de Bouteillier, que les auteurs Anglais traduisent en latin par celui de pincerna ou buti-
    cularius.
          Après la conquête, le titre de grand Bouteitler d'Angleterre fut donné à celui qui l'avait été en Normandie. Guillaume d'Aubigny portait ce titre au couronnement de Guillaume-le-Conquérant à Westminster il reçut de grandes concessions dans le comté de Norfolk (Will.d'Aubigny tenait une baronnie dans le Norfolk sous Henry II. Lib. nig. Scaccar. tome I. p. 286) à peu près à la même époque ( en 1177 ), Guillaume d'Aubigny fut créé comte de Sussex par Henri II, dans un conseil tenu à Northampton (Roger de Houeden apud Savile, p. 320).
          On trouve dans le baronage de Dugdale et dans les pairages d'Angleterre (Dugdale's Baronnage p. 109 et suiv. Collin's Peerage 1711, tome Il. Part. 9 à 15, Id. Earls of Sussex tome II. part. p. 525. --Id. Earls of Norfolk, ib. p. 234. et seqq. Banks Collins. id. Sire Brydges Dukes of Norfolk – V.Britton's topogr. of Norfolk p. Bloomfield Norfolk. Banks extinct. Baronnage tome 1. p. 71) de grands détails sur les seigneurs d'Aubigny dont les comtes de Huntingdon ceux d'Arondel et le duc de Norfolk sont descendus. Je ne puis que vous indiquer ces sources. Les détails sur la famille d'Aubigny et sur la branche qui prit le nom de Mowbray sont si abondans qu'ils pourraient remplir des volumes. Voici le précis des principaux : Parmi les grandes concessions faites à Guillaume d'Aubigny dans le comté de Norfolk on cite entr'autres la seigneurie de Bokenham, à laquelle le titre de grand bouteillier était particulièrement attaché.
          Un frère de Guillaume d'Aubigny figura aussi à la conquête de l'Angleterre il s'appelait Niel. Il aida au conquérant à soumettre le Northumberland. Cette branche joua un rôle important sous le règne de Guillaume Ier et sous celui de Guillaume le-Roux mais c'est surtout au règne de Henry 1er qu'elle doit son illustration et son immense fortune. Guillaume d'AubIgny, surnommé Breton pour le distinguer de la branche des Bouteilliers, était à la bataille de Tinchebray avec Henry 1er. Il y fit des prodiges de valeur, et fut en grande partie cause de la victoire décisive que Henry remporta (Banks extinct. Péérage, tome II p. 373 verbo Mowbray, dit qu'il possédait 120 fiefs de chevalier en Normandie et autant en Angleterre). La prison du duc Robert et la conquête de la Normandie furent le fruit de sa bravoure. Son prince l'en récompensa très largement il lui donna, en Angleterre seulement, plus de 500 seigneuries, dont la majeure partie avait été sous le règne de son prédecesseur confisquée sur Robert de Montbray, comte de Northumberland. Il mourut fort âgé sous le règne d'Etienne. Au commencement du règne d'Etienne il souscrivit une chartre donnée à Oxford par ce prince ( Ric. Prior. Hagulsav. apud Tvysden col. 315).
    Un historien contemporain (Rog. de Houeden apud Savili p. 456. Banks 2. p. 373) appelle Néel et non Guillaume celui dont la bravoure assura à Henry Ier la victoire de Tinchebray. On pourrait facilement concilier cette différence mais le fait principal existe ce n'est pas ici le lieu de faire une dissertation. Je crains que vous ne trouviez déjà mes détails trop longs sur les d'Aubigny d'Angleterre. Je vais les abréger autant que possible mais je ne dois pas omettre celui qui en 1142, était comte d'Arondel, qui avait épousé la veuve du Roi Henry 1er, qui reçut dans son château d'Arondel l'impératrice Mathilde femme de Géoffroy Plantagenet quand elle vint en Angleterre pour faire valoir ses droits à la couronne (Banks EarIs of Sussex, Baronnage tome III, p. 695.– Collins, édit. 1711, vol. II. part. I. p. 375. Chronic. Normann. apud Duchesne collect. p. 978).
          On peut voir des détails sur la continuation de cette famille dans les ouvrages que je viens d'indiquer dans le Baronnage de Dugdale et particulièrement dans la dernière édition du Pairage de Collins par sir Egerton Brydges (Tome I. p. 50 et seqq.).
          Je vous dois maintenant des renseignements sur l'état de cette famille en Normandie jusqu'au treizième siècle à l'époque des confiscations de Philippe-Auguste et comme il existe dans notre province plusieurs lieux qui portent le nom  d'Aubigny je vais tacher de fixer celui qui en fut te berceau. Il ne faut pas s'attendre à voir jouer a cette famille un rôle aussi important en Normandie qu'en Angleterre. Guillaume le Bouteillier d'Aubigny en Cotentin est cité parmi les
    bienfaiteurs de l'abbaye de Saint-Etienne de Caen à l'époque de sa fondation (Essais histor. Sur la ville de caen, tome 2 page 66).
    Parmi les bienfaiteurs de l'abbaye de Lessay je trouve Guillaume d'Aubigny et Roger son fils, qui lui donnent l'église et les dîmes de Fougères, paroisse limitrophe d'Aubigny,une partie de celles de Géfosses en Cotentin une terre à l'Inverville ; tout ce que les fils de Ranutf Espec tenaient jadis de la baronnie (de honore) d'Aubigny à Laune et à Lastelle ; la dîme de la foire Saint Cristophe et du marché d'Aubigny (Gall. Christ. XI. instrum. col. 236. Neustr. pia p. 620).
    Toutes ces places sont voisines d'Aubigny ; la foire Saint-Cristophe se tient encore sur un démembrement de la paroisse et l'on sait que le marché d'Aubigny a été transféré à Périers.
          Je vois dans Orderic-Vital, historien contemporain, qu'en 1158 le chef des partisans du Roi Etienne dans le Cotentin était le vicomte Roger, fils de Néel ; que Reuaud de Dunstanvitle, Baudouin de Reviers et Etienne de Magneville chefs du parti contraire !'attirèrent dans une embuscade ou ils le tuèrent, et que peu après ceux de son parti usèrent de represailles contre Baudouin de Reviers qui paulo ante Rogerium Nigelli filium trucidevit (Order. Vital. apud Norm. script. Coll. p. 915 et 16). Serait-ce Roger d'Aubigny ? alors il eut été d'un parti opposé à celui d'ArondeI. (v. supra)
          Quoique le nom d'Aubigny et celui de Montbray ( qui sous les règnes d'Etienne et de Henry II sont le même, se trouvent plusieurs fois dans le livre rouge de l'échiquier, je n'y trouve rien de positif relativement au service que devait au Roi le château d'Aubigny mais le registre des fiefs de Philippe-Auguste est plus clair.
          On y voit qu'il devait au Roi de France le service de deux chevaliers et demi. On y apprend en outre qu'il était alors possédé par le comte de Ponthieu, comes Pontivi (Lib. feodur. Philippi regis penès nos, p. 1 et 8).
    En 1216, Louis VIII Roi de France, réunit au domaine de la couronne la seigneurie d'Aubigny en Cotentin (Velly hist. de France, tome IV. in-12. Duchesne, Hist. d'Anglet. p. 123. Trésor des chartres de Normandie. ). Philippe d'Aubigny avait quitté le parti de la France pour celui de Henry III, fils de Jean sans terre. Louis VIII était d'autant plus mécontent que Philippe après avoir été un de ses partisans en Angleterre, avait par sa défection accéléré la ruine du parti français dans ce royaume.
    Avant cette confiscation il y avait à Aubigny un bourg dont le marché a été transféré à Périers, et des redevances considérables qui sont réunies au domaine de Saint-Sauveur-l'Endelin.
          Les archives du département si on parvient à les mettre en ordre fourniront je crois des détails curieux sur ce domaine dont Louis XII, quand il n'était encore que duc d'Orléans avait fait rédiger un registre très volumineux que j'ai vu naguères dans la vieille tour où sont entassés tous les titres du département.
           Outre les biens donnés aux monastères par la famille d'Aubigny elle avait fait aussi des donations considérables aux Templiers pour lesquels elle eut une prédilection particulière. C'est peut-être à ces grandes donations qu'il faut attribuer le peu d'importance des seigneurs d'Aubigny en Normandie tandis qu'ils étaient si puissants en Angleterre. Voilà sans doute aussi pourquoi ils ne balancèrent pas entre la France et l'Angleterre quand il fallut opter.
          Quoi qu'il en soit, je n'ai pu encore retrouver dans la paroisse d'Aubigny l'emplacement du château de ses anciens seigneurs. Serait-ce celui qu'on voit à une lieue au levant de l'église sur la commune du Mesnil-Vigot tout près de celle d'Aubigny ? Ce château qui paraît avoir été considérable est aujourd'hui connu sous le nom de château de Saint Clair nom qui lui venait probablement d'une chapelle de Saint-Clair détruite peu d'années avant la révolution (Registre des cures du diocèse dressé en 1737 penès nos. p. 81).
          On y voit un tertre conique factice et plus étendu que ne sont la plupart de ceux de ce genre que je connais dans le département. J'y ai remarqué des fondations de murs et surtout celles d'une tour circulaire. Ce château qui avait beaucoup de souterrains était environné d'un double fossé. Il y avait des ouvrages avancés vers l'église de Remilly. Ruiné et rasé comme il l'est il peut encore donner l'idée d'un des plus grands châteaux à motte que nous ayons dans le Cotentin et des moyens qu'on employait pour s'y fortifier. Du point de son emplacement la vue s'étend au loin au-delà des marais et sur le pays d'alentour.
           J'ai vu quelque part que les familles d'Aubigny et de Bohon avaient une même origine. Malheureùsement je n'ai pu retrouver le fondement de cette tradition. Je vois bien que Feugères, Aubigny, Bohon, et Marchesieux figurent ensemble dans la fondation de l'abbaye de Lessay.
          Je trouve le lion d'Aubigny et de Montbray au prieuré de Bohon il est certain que la seigneurie de Saint-Cristophe d'Aubigny fut confisquée dans le 13e siècle sur un Bohon.
          D'un autre côté les armes de Bohon gravées sur le fac-simile de la grande Chartre d'Angleterre sont tout-a-fait différentes de celles d'Aubigny Mowbray qui sont de gueules au lion rampant d'argent (1) et celles de Bohon d'azur à la bande d'argent (Banks ; tome III p.354) entre deux cottices de même et lionceaux d'or, trois en chef et trois en pointe.
          Voilà bien de quoi faire une dissertation mais elle serait étrangère à mon sujet. Je me contenterai d'indiquer les confiscations de la seigneurie d'Aubigny faites par les Rois Philippe-Auguste et Louis VIII.
    En 1250, le Roi était patron d'Aubigny (Liv noir. de l'évêché Decaen, de Piris), et en 1320, la cure de la paroisse fut donnée à la Sainte-chapelle de Paris par le Roi Philippe-le-Long.

     

    CANTON DE LESSAY


    47. CHATEAU DE LAUNE.

     

         La paroisse d'Aubigny et le château de Saint-Clair sont presque à l'extrémité orientale de l'arrondissement de Coutances. Pour continuer notre revue de cet arrondissement, nous sommes forcés de revenir sur nos pas. Nous allons commencer le canton de Lessay sur un point où il s'avance entre les cantons de Périers et de la Haie-du-Puits.
          Le château de Laune a donné son nom à une branche de la famille de Bricqueville venue en Angleterre avec Guillaume-le-Conquérant.
    Depuis la conquête d'Angleterre jusqu'au règne de Louis XIV, cette famille a possédé le château de Laune. Elle est trop bien connue pour queje sois obligé d'en aller chercher çà et là des membres épars comme cela m'arrive trop souvent (Dans l'histoire de la maison d'Harcourt, tome I. p. 111 et suiv., il y a beaucoup de détails sur la famille de Bricqueville. V. mes familles Anglo-Normandes p. 43 et 160. V. le dictionnaire de la noblesse par L. C. D. B. vc. Bricqueville. Les armes sont palé d'or et de gueules de six pièces. La branche de Bretteville porte d'argent à six feuilles de chêne de sinople 2, 3 et 1.).
          Mais ce qui m'a frappé ce qui n'est pas bien connu c'est que la branche établie en Angleterre y a subsisté plusieurs siècles et qu'elle y a porté le nom de Laune (de AIno) sans que les auteurs qui en parlent avec assez de détails, d'après des actes originaux aient jamais soupçonné l'origine de ce nom (Collinson Somersetshire introd. p. 58 tome I. p. 76, 250, 422. Scutag. apud Hutchins Dorset, tome 1).
    Il ne faut pas s'étonner que les Anglais ne connaissent pas bien le nom de la paroisse de Laune, qu'il est permis à des étrangers d'ignorer ; mais ce qui m'a réellement surpris, c'est qu'en parlant de ce château même qu'il a peut- être vu l'historien contemporain du connétable de Richemont Guillaume Gruel son compagnon d'armes, qui eut peut-être une part active à la réduction des châteaux du Cotentin n'ait pas su si celui-ci s'appelait Laune ou Launay.

         Quoique cette ancienne forteresse n'ait été démolie que depuis 60 ans le terrain a été si bien applani qu'on n'en reconnaît plus l'emplacement. On a peine à concevoir quels étaient ses moyens de défense dans un terrain aussi bas et aussi uni.
          Tout près du lieu où elle était, on a construit une habitation plus moderne mais qui remonte encore au temps des Bricquevitle. Elle n'a de remarquable que la grande épaisseur de ses murs, mais on y voit une tenture de tapisserie curieuse, à laquelle Molière a donné une espèce de célébrité. Cette tapisserie indiquée dans une de ses comédies (Dans l'Avare act II, scène première) comme une vieillerie se trouve ici très-fraîche et très-entière. Elle est suffisante pour la tenture du salon et d'une très grande salle. En l'étudiant on peut se faire une
    juste idée des costumes de la fin du 15e siècle.
          Chaque sujet y est expliqué par des quatrains fort drôles mais quelquefois un peu libres. Je suis heureux de pouvoir signaler cette singulière tapisserie trop peu connue quoique Molière l'ait presque rendue classique. Plusieurs amateurs des antiquités du moyen âge auxquels je l'ai indiquée, sont venus de fort loin la visiter. Tous s'en sont retournés contents, et ont regardé comme une nouveauté assez piquante un morceau qu'on citait, il y a 150 ans comme une anticaille ridicule.
          Par le registre des fiefs de Normandie, sous le règne de Philippe Auguste, il paraît qu'au commencement du 13e siècle, la châtellenie de Laune était une dépendance de celle de Moyon.

         Robertus de Briquevill tenet indé (de Moyon) Alnum per servicium unius militis apud Moyon (Penès nos, p. 7).
          Les Bricqueville qui possédèrent jusqu'au 17e siècle la seigneurie de Laune furent remplacés par M. de Rassent celui-ci, par M. le Cordier, marquis de Lalonde, et par M. le président de Lalonde. M. Turgot, leur successeur, fit démolir l'ancien château-fort. Son fils a vendu ce qui restait de cette grande terre, à M. Lebrun, né dans une paroisse de cet arrondissement (Saint-Sauveur-L'Endelin ) qui a joué, au commencement de ce siècle, un rôle très brillant, et qui vient de mourir dans un âge très avancé, avec le titre de duc de Plaisance.


    48. CHATEAU DE PIROU

     

         A l'autre extrémité du canton de Lessay, au bord de la mer, on trouve les restes encore habités d'un château dont l'origine remonte au temps des premiers ducs de Normandie, et dont plusieurs des propriétaires ont appartenu à des familles qui suivirent le duc Guillaume à son expédition d'Angleterre.
          Je vais vous donner quelques détails sur ces familles.
          La première est celle qui ne portait d'autre nom que celui de la paroisse suivant un ancien usage que nous avons eu que nous aurons fréquemment l'occasion de remarquer. Ces seigneurs figurent en Normandie parmi les principaux bienfaiteurs de l'abbaye de Lessay, et en Angleterre parmi les barons de ce royaume.
          Voici un passage d'une des premières chartres de l'Abbaye de Lessay, qui peut faire connaître deux générations des anciens châtelains de Pirou.
          J'ai cru devoir le transcrire. Ex dono Willelmi et Richardi de Pirou et ex concessione et confirmatione heredum eorumdem Radulfi de Pirou et fratrum ipsius, Gaufridi, Rogerii et Stephani ecclesiam de Pirou (Gall. Christ. XI, col. 917,–ibid inter instrum dioc. Const. Col, 236. Neustr. Pia, pag. 620).

         Les auteurs du Gallia Christiana rapportent cette chartre à l'an 1216 ; or, comme on voit que les hérititiers y confirment il est assez probable que la première donation est du temps de la conquête.
          En tous cas, voilà bien au moins deux générations et six noms de seigneurs de la famille de Pirou que cet acte nous fait connaître.
    La branche ainée posséda encore longtemps le château dont elle portait le nom mais les branches cadettes existèrent encore plusieurs siècles après elle dans le Cotentin à Sainte-Mère-Eglise, dans l'arrondissement de Valognes et à Montpinçon dans celui de Coutances.
          Pendant que la famille de Pirou florissait en Normandie, elle avait aussi des revenus considérables en Angleterre dans plusieurs comtés, et notamment dans ceux de Devon et de Somerset.
          Sa principale résidence dans le premier de ces comtés porte encore aujourd'hui le nom de Stoke Pirou (V. Britton's Beauties of England (Devon) et Collinson's hist. of Somerset ) tom. 1 page 253 et tome 3, pag. 55). A la fin du 13e siècle Gilbert de Pirou possédait encore ce manoir auquel ses ancêtres avaient donné leur nom.
          Après les seigneurs de Pirou dont le nom de famille était celui de la paroisse, le château de Pirou fut possédé par les du Boys dont les ancêtres avaient aussi aidé à conquérir l'Angleterre. Ceux-ci, dont les noms figurent dans le livre rouge de l'Echiquier, et dans le registre des nefs de Philippe-Auguste devinrent seigneurs de Pirou, par le mariage de Jean du Boys dit le Gascoin avec Catherine de la Luserne fille de Guillaume de Pirou et de Jeanne de Lahaye.
          Cette nouvelle famille conserva la seigneurie de Pirou pendant près de trois siècles sauf le temps ou les Anglais maîtres du pays s'en saisirent pour punir celui qui en était possesseur, de son attachement à la France (Il est possible qu'il y ait eu à Pirou des seigneurs du nom de la Haye à la fin du 14e siècle. Genéal. d'Anneville).
          La famille du Boys avait aussi accompagné le conquérant en Angleterre c'est à elle qu'il faut rapporter le nom de Boys, qu'on voit dans quelques listes de la conquête et entr'autres, dans celle de Hollingshed.
          Elle figurait en France sous le règne de Philippe-Auguste, parmi les chevaliers bannerets (milites ferentes bannerias) de Normandie, dans la liste de ces chevaliers donnée par Duchesne (Apd. Normann. script. p. 1031).
          C'est aux Dubois qu'il faut rapporter à peu près tous les anciens travaux du château de Pirou, dont la famille de Vassy ne devint propriétaire que vers la fin du 17e siècle.
          Celle-ci a seulement fait des distributions pour rendre plus habitable un ancien édifice dont on avait plutôt cherché à faire une forteresse qu'une demeure paisible comme elle le devint au temps de ses derniers habitans.
          Ceux-ci, qui pouvaient aussi faire remonter l'origine de leur famille au temps des ducs de Normandie vendirent, au commencement de la révotution, la terre et le château de Pirou à M. Huguet de Semonville qui est aujourd'hui grand référendaire de la chambre des Pairs.

         Ce château avait autrefois trois enceintes de muraities toutes entourées de fossés pleins d'eau. Au centre de ces enceintes, on voit encore le donjon remarquable par l'épaisseur de ses murs et jadis d'un accès difficile, à cause des ouvrages avancés et des larges fossés qui en défendaient les approches.
          On y tenait autrefois, tous les samedis, un marché qui fut, il y a déjà très longtemps transféré au bourg de Lessay.
          L'auteur de l'histoire militaire des Bocains dit, mais sans citer ses garans que le château de Pirou fut pris, en 1370 par les troupes Anglo-Navarroises. Comme il copie généralement les manuscrits de M. Lefranc cette assertion pourrait bien avoir quelque fondement. Il est au moins certain qu'il fut pris par les Anglais au mois de mars 1418 et qu'ils le perdirent en 1449.
          Dans un mémoire de Claude de Vassy contre les habitans de Pirou en 1693 on voit que par lettres patentes du duc de Bretagne données le 24 janvier 1449 (50) il est mandé au Bailly de Cotentin ou à son lieutenant, de remettre Thomas du Boys en possession et jouissance du château de Pirou usurpé par les Anglais.
          Les anciens titres de la châtellenie font mention des grands bois qui entouraient jadis ce château. Le voyageur qui le voit maintenant au milieu d'une plaine nue aride, et très-exposé aux vents de la mer, ne se doute pas qu'il y ait jamais eu une futaye étendue aux environs cependant c'est un fait incontestable.
          Il n'en est pas ainsi de celui sur lequel certains antiquaires ont prétendu fonder l'étymologie du nom de Pirou ce nom disent-ils vient de la grande quantité d'oies (Pirots) sauvages qui revenaient régulièrement chaque année faire leurs nids dans les fossés du château. C'est un conte adopté d'abord par Vigneul de Marville (Mélanges d'histoire et de littérature) et qu'on est fâché de retrouver dans le dictionnaire celtique de Bullet. Si au lieu d'adopter sans examen une pareille fable, ce savant eût voulu suivre les règles qu'il avait établies il eût pu trouver à ce mot une signification raisonnable et antérieure au conte absurde des Pirots.
    On voit encore sous une remise du château deux petits canons d'une époque rapprochée de l'introduction de l'artillerie dans la Basse-Normandie. Ces canons, d'un petit calibre, ne se chargeaient point comme on le fait aujourd'hui mais par une espèce de porte à charnière près de la culasse. Le trou de la lumière était percé au centre de cette espèce de porte et la cartouche se trouvait, sans bourrer tout justement à sa place. Je présume qu'on ne tarda pas à sentir l'inconvenient de ces sortes d'ouvertures, et qu'elles furent bientôt abandonnées pour l'usage que nous avons aujourd'hui. Ces canons sont proportionnellement à leur calibre d'une plus grande, longueur que celle qui est depuis longtemps adoptée.
          Les anciens seigneurs de PIrou portaient de sinople à la bande d'argent. Les armes des Dubois étaient d'or à l'aigle de sable celles de Vassy sont d'argent a trois tourteaux de sable.
          Une partie du château est encore habitée M. Cotman, que j'accompagnais alors l'a dessiné au mois d'août 1818 ; son dessin qu'il avait l'intention de joindre au grand ouvrage sur la Normandie, n'a pas été publié, ou s'il l'a été, je n'en ai pas eu connaissance.

     

     [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-pirou-manche-a127891986 ]

     

    CANTON DE SAINT-MALO-DE-LA-LANDE.


    49. CHATEAU DE GRATOT.

     

         La seigneurie de Grâtot été possédée par des familles qui remontent au temps de la conquête d'Angleterre ; elle a été confisquée par Philippe-Auguste le château encore habité présente beaucoup de restes des temps ou l'on songeait plus à se défendre contre des ennemis qu'à recevoir des amis cependant, j'ai si peu de chose à vous en dire, que j'ai balancé à le mettre au nombre de ceux dont j'avais à vous parler.
    Par le registre des fiefs de Normandie sous le règne de Philippe-Auguste on sait que celui de Grâtot avait appartenu à la famille de Creully.
          Ricardus de Croilly tenet tres partes feodi i militis de Gilleberto de Croilly antenato suo de quo Dominus Rex tenet apud Nicorp et Gouville et Gratot per eschaetam.
          Durant le même siècle, la seigneurie de Grâtot entra dans la possession de la famille d'Argouges, par le mariage de Guillaume d'Argouges (qui vivait encore en 1251) avec Jeanne de Grâtot.
    Depuis ce temps jusqu'à une vingtaine d'années avant la révolution cette seigneurie a subsisté dans la même famille, excepté pendant une partie du 14e siècte qu'elle vint, probablement aussi par un mariage dans celle du Saussay mais dans le même sièc!e elle redevint la propriété des d'Argouges qui la conservèrent près de 400 ans.
          Le château fut bâti par cette famille. On y voyait naguères ses armes a deux places un de leurs écussons y est supporté par deux sauvages, l'autre par deux lions léopardés qui appuient d'un côté l'écu penché, et de l'autre le casque. Le cimier est orné d'une demi-fée ( jusqu'à la ceinture) ; les mêmes armes étaient aussi à plusieurs
    endroits dans l'église de Gratot.
          L'écu penché me porte à croire que le château fut bâti à la fin du 15e siècle ou au commencement du 16e.
          Les d'Argouges de Grâtot portaient écartelé d'or et d'azur, chargé de trois quintefeuilles d'or, deux en chef, une en pointe (Généalogie de la famille d'Argouges).
          Les armes de du Saussey sont d'argent semé d'hermines au sautoir de gueules.

     

    [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-gratot-manche-a128289602 ]


    50. CHATEAU D'AGON.

     

         Voici une des communes dont nous avons une mention antérieure à la conquête d'Angleterre. Justement quarante ans avant cette fameuse expédition elle appartenait au duc Richard III qui, dans son acte de mariage (Apd. Acherii Spicileg., édit. In4 - tome VII, pag. 203), la donne en dot avec plusieurs autres seigneuries et châteaux du Cotentin à sa femme Adèle fille du roi Robert, curtem supra mare quae dicitur Agons.
    Sous le règne de Jean Sans-Terre ce prince voulant recompenser Guillaume-des-Roches qui lui avait cédé la charge, de Sénéchal d'Anjou, lui accorda le droit d'avoir dans sa seigneurie d'Agon, deux foires franches, l'une à la Pentecôte, l'autre à la Notre-Dame en septembre chacune de ces foires devait durer huit jours l'une d'elles fut transférée à Montmartin près de Coutances l'autre a Géfosse. M. Lefranc, dont les manuscrits m'ont fourni ces détails ajoute que ces foires sont devenues l'une la foire de Caen l'autre la Guibray. C'est ce que je n'ai pu vérifier car il ne donne jamais ses garans mais il est au moins constant que la foire de Montmartin devint la plus considérable du pays. A plus de trois lieues à la ronde, les anciens actes indiquent fréquemment le chemin de la foire de Montmartin.
          En 1327, cette foire relevait du Roi ; plusieurs fiefs y devaient guet et garde et notamment ceux de Carentilly, Saussey, le Mesnil-Omond (à Cenilly), Montchaton, Herenguerville et le fief de Say (V. Le registre des fiefs de l'élection de Coutances rédigé en 1327 V. mon gd. registre in-folio, p. 212).
          Voici, d'après un registre public dressé en 1527 par le grand bailly du Cotentin la note de celui qui possédait alors le fief d'Agon (Ibid)
    « Guillaume Paens (Paynel) tient de M. Olivier Paesnel chevalier par parage le fieu d'Agon o toutes ses appartenances ou qu'elles soient lequel M. Olivier le tient par hommage du seigneur de Fougères, par un fieu de Haubert.
          En 1341, Guillaume Paisnel seigneur d'Agon, comparut à la montre (revue) que fit Robert Bertrand sire de Fauguernon (Laroque, hist. d'Harcourt, p. 2055).
           Dès le commencement du siècle suivant : Bernard du Buret avait cette seigneurie (Poulié de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Archives du dépt.). Gautier de Silly épousa en 1437, Collette, fille de Jean du Buret seigneur d'Agôn et de Querquebus veuve de Jean Meurdrac (Gds. offic. de la couronne, tome VIII).
          Jusqu'à présent je n'ai pu trouver l'emplacement d'un ancien château à Agon.

    5l. TOURVILLE.

     

         Dans l'arrondissement de Valognes j'ai déjà indiqué la place d'un château à motte à Tourville près de Montebourg. Si le berceau d'une ancienne famille faiblement indiquée sur quelques listes de la conquête (Masseville,tome 1 p. 205. Hollingshed), est dans notre département, il est probable qu'il faut le chercher plutôt dans le canton de Montebourg que dans celui de Saint-Malo. Mais le Tourville qui fait l'objet de cet article a des titres qui le recommandent bien autrement à nos souvenirs. C'est la patrie du maréchal de Tourville le plus grand homme de mer du siècle de Louis XIV. Sa vie appartient toute entière à l'histoire et je n'en parle ici que pour signaler le lieu de sa naissance.
          Les auteurs de l'histoire des grands officiers de la couronne (Tome VII p. 428 et seqq.) font remonter la famille du maréchal de Tourville à une époque reculée ce qui pourrait autoriser ici la recherche d'un château ancien mais le berceau de ce grand homme absorbe toute l'attention. Content d'avoir signalé la patrie de ce héros dont le nom est si glorieux pour le département qui lui a donné naissance j'ai cru devoir m'abstenir de toute recherche ultérieure.

    52. SAINT-MALO-DE-LA-LANDE.

     

         Dans presque toutes les listes de la conquête (Brompton Duchesne MasseviIIe) je trouve un seigneur de Saint-Malo. Il est assez incertain si ce fut celui de Saint-Malo-de-la-Lande. J'en parle ici seulement pour engager à chercher dans cette paroisse s'il n'y a point de motte ou de câtel.
          L'église n'offre rien de curieux ou d'ancien mais elle peut avoir été rebâtie.

     

    CANTON DE SAINT-SAUVEUR-L'ENDELIN.

     

    53. MUNEVILLE-LE-BINGARD.

     

          Dans l'histoire du comté de Kent je trouve une famille Normande du nom de Muneville (Brailey beauties of Kent Hasted history of do). Il n'y a en Normandie que deux paroisses qui portent ce nom. Elles sont toutes deux dans l'arrondissement de Coutances. Mais a laquelle faut-il rapporter le berceau de cette famille ? C'est ce que le câtel ou la motte décideront, quand on les aura trouvés mais jusqu'à présent mes recherches ont été inutiles. Les églises ne disent rien non plus.
          En 1250, le comte de Boulogne était patron de Muneville-le. Bingard (Regist. suprà patronalibus Constant. dioc. penès nos) et Muneville sur la mer dépendait de l'abbaye de Grestain.
          Dans la première moitié du 16e siècle, la prébende de Muneville à la cathédrale de Coutances était occupée par le fameux Buchanan bien connu par ses ouvrages en prose et en poésie latine mais beaucoup plus encore par son ingratitude et son infamie envers sa reine et sa protectrice, l'infortunée Marie Stuart. Les revenus de sa prébende étaient à Muneville-sur-la-mer.


    54. CAMPROND.

     

          Cette paroisse a donné son nom à une famille très-ancienne en Normandie et en Angleterre où elle possédait une seigneurie de Berling (J Généal. d'Anneville. Je crains que ce nom donné sans indication de comté ne soit estropié) qu'elle échangea dans le 13e siècle avec celle de Montaigu-ia-Brisette, près Valognes.
          On trouve à Camprond un ancien retranchement sur la hauteur appelée le Hutrel et un autre dans le bois de Camprond appartenant à M. de Vély mais il est douteux que l'un ou l'autre marquent l'emplacement d'un château du moyen âge.
          La seigneurie dépendait autrefois de la baronnie du Hommet, Enguerannus de campo rotundo tenet inde (du Hommet) feodum militis apud Loricium (le Lorey) et campum rotunbum et alibi (Lib. feodorum Domini Regis Plilippi).
          Guillaume du Lorey était patron de l'église en 1250 suivant le registre des patronages dressé à cette époque par Jean d'Essey. Les armes de l'ancienne famille de Camprond étaient d'argent à la quintefeuille de gueules (V. une note dans mon registre des paroisses v Le Lorey).



     CANTON DE COUTANCES.

     
    55. CAMBERNON.

     

          Dans plusieurs listes de la conquête on trouve le nom de Cambernon (Brompton, Duchesne, Hollingshed).
    Une famille de ce nom s'établit en Angleterre au temps du conquérant et de ses successeurs dans les provinces de Dorset et de Devon (Britton's beautles of Devon).
          Le lieu de la résidence des Cambernon dans le Devonshire s'appelait Modbury. Ils possédaient dans le même comté North Tauton et Inkworth près de Plimouth.
          Dans son histoire du comté de Dorset (Tome I p. 366) Hutchins en parlant des Cambernon de Childhay indique leurs armes de gueules au sautoir d'or ; ceux de Modbury y avaient ajouté douze billettes et un croissant d'or.
          Parmi les seigneurs qui portaient le nom de la paroisse deux autres familles de la conquête possédèrent successivement cette selgueurle. Ce sont les Pirou et les Carbonnel. J'ai parlé naguères des premiers à l'article de la paroisse dont ils portaient le nom. Les autres figureront
    dans les arrondissements d'Avranches et de Saint-
    Lo, à Saint-James et à Canisy.
          Le château actuel de Cambernon fut bâti au commencement du règne de Louis XIII. Son origine serait trop moderne pour en parler ici ; mais je puis en outre indiquer ici l'emplacement du château primitif. Cet emplacement était dans un clos près de l'église nommé la Motte et donné à l'école de là paroisse par M. de Martinvast, un des derniers seigneurs.
          Dans le livre noir de l'échiquier dont je dois une communication à l'obligeance de notre savant collègue M. l'abbé de la Rue je trouve la note suivante sur le Devonshire. Je la crois applicable aux Cambernons de ce pays. Henricus de Campvern. tenet de Olivero de Tracy
    in Deveniâ VII milites. Rogerus de Camp. tenet de me VII milites. Lib. nig. Scaccarii, page 122 et 123.

     

    COURCY.

     

         Je ne fais ici mention de cette paroisse que pour détromper ceux qui pensent qu'elle est le berceau d'une famille Anglo-Normande distinguée et qui se trouve en Angleterre.
          Cette famille est originaire de l'arrondissement de Falaise, département dn Calvados.

    VILLE DE COUTANCES.

           Je ne crois pas qu'il y ait lieu de donner à cette ville une place dans le nombre de mes anciens châteaux. Connue des Romains sous les noms de Cosedia et de Constantia cette ville a été fortifiée dans le moyen âge. Elle a été prise par les Normands, par Geoffroy Plantagenêt, par Philippe Auguste, par Geoffroy d'Harcourt, par les Anglais, par le comte de Richement, par Louis XI et par les Huguenots, mais jamais je n'ai rien trouvé qui me porte à croire qu'elle ait eu un château.
          Feu M. de Mons dans ses recherches trop peu connues sur cette ville parle bien d'un château Pisquin dont il existait de son temps dont il existe encore une tradition vague mais il le rapporte aux Romains.
          Quelques listes de la conquête indiquent un Gautier de Coutances dont un descendant fut évêque de Lincoln. On sait qu'un Paisnel fit restaurer l'aquéduc de Coutances dans le 12e siècle. Je vois bien (et c'est ce qui pourrait le plus donner l'idée d'un château) que, sous le règne de Philppe-Auguste, Fouques Paisnel y en possédait un (Custodiam castri sui in Constantiâ. Lib. feod. Regis Philippi apud lib. nig. dioc. Constant.). Mais malgré cela le judicieux historien de cette ville n'a pas cru qu'il y eût un château dépendant de Coutances. Son opinion m'a décidé : je conviens pourtant que l'opinion contraire n'est pas insoutenable.

     

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    CANTON DE MONTMARTIN-SUR-MER.


    56. ORVAL.

     

         La paroisse d'Orval contiguë au territoire de Coutances, est !a première qui se présente au midi de cette ville. Elle ne nous arrêtera pas longtemps.
          Dans plusieurs listes (Masseville, vol. 1 p. 203 Chron. de Normandie chez le Mégissiér, p. 111) de la conquête, je trouve le nom d'Orval mais comme il y a en Normandie plusieurs paroisses de ce nom je ne puis le rapporter d'une manière incontestable à celle qui nous occupe. Il est d'ailleurs certain qu'il existait à l'époque de la conquête un Regnault d'Orval, qu'il souscrivit, à l'acte de fondation de l'abbaye de Lessay (Gall. Christ. XI. instrum. Col. 227-228 Neustr. pia p. 619 et 620) qu'il donna à ce monastère l'église d'Orval près de Coutances : Ecclesiam sanctae Helenae de aurea valle. Or comme Orval a encore Ste.-Hetene pour patronne comme l'abbaye de Lessay y a constamment possédé un prieuré les dîmes et des terres il me semble presque démontré que celui dont le nom est sur les listes partit réellement d'ici.
           Dans le livre rouge de l'échiquier on voit que, sous le règne de Henri II ( duc de Normandie), Guillaume d'Orval devait à ce prince le service de deux chevaliers et demi (Apud Ducarel) et pour son compte celui de six chevaliers dans le Cotentin.
          Je ne trouve aucune mention du fief d'Orval dans le registre de Philippe Auguste mais il est certain qu'il fut confisqué et converti en fief-ferme.
          Je ne connais pas l'emplacement du château. L'église est contemporaine de la fondation de l'abbaye de Lessay. Il y a sous le chœur une crypte ou chapelle souterraine.

     

    56. SAUSSEY.

     

         Paroisse contiguë à la précédente. Son seigneur était aussi à la conquête de l'Angleterre (Masseville 1, p. 203. chron. apud le Mégissier p. 111).
           En 1250, un seigneur de Saussey portait encore le nom de cette paroisse, ety percevait une partie des dimes (Lib.nig. dioc. Constant).
          Une famille ancienne ( du nom de du Saussey) qu'on prétend avoir tiré son nom de celui de cette paroisse mais qui alors ne devrait pas y ajouter du, porte pour armes d'argent semé d'hermines sans nombre.
    Je ne connais point Pemptacement de l'ancien château de Saussey.

    57. TRELY.

     

         Brompton et Duchesne citent un Seigneur de Trely (Traylis) parmi ceux qui aidèrent à conquérir l'Angleterre (Brompton apud X script. Ang.).
           Dès le 12e siècle Richard Meurdrac était seigneur de Trely. Ses descendants possédèrent la même seigneurie pendant plusieurs siècles. Je parlerai plus amplement de cette famille à l'article de la Meurdraquière. Ici je dirai seulement le peu que je sais de celle qui a existé Trely.
          Le Baronnage éteint d'Angleterre cite deux barons du nom de Traily (Collins édit. de 1711, tome lI part. II, p. 123) le premier qui vivait sous le règne de Henri 1er s'appelait Geffrey. Il laissa un fils nommé Gautier dont la baronnie était composée de neuf fiefs de chevalier qu'il tenait de l'honneur de Verdun .Après lui il n'est plus parlé de la famille parmi les barons Anglais.
          Je n'ai pas encore réussi à trouver à Trely l'emplacement d'un château ancien.

    58. QUESNAY.

     

          On lit dans le Baronnage de Banks que Raoul de Kaineto était à la conquête d'Angteterre qu'il eut pour fils Raoul et Guillaume que ce dernier fit prisonnier le roi Etienne à la bataille de Lincoln que son frère aîné possesseur de plusieurs seigneuries dans le comté de Dorset, y fonda le monastère de Tarent (Banks extinct. Baronaage, vol. I, p. 101 et 102. –Dugdale baronnage vol. p. 427, 428. – Hutchins Doret, volume I p. 110. ). Leurs armes suivant Banks étaient vaire argent et azur à trois barres de gueules. J'ai trouvé d'autres possessions et peut-être 'autres branches de la même famille dans les histoires des comtés de Hertford et de Somerset (Collins on Somerset shire vol. II p. 376. Topography of Hertordshire). Les armes varient à chaque localité mais c'est chose commune en Angleterre, surtout sous les règnes des Plantagenèts.
    Robert de Chesnet (de Chesnelo) était évêque de Lincoln en 1147 (Godwin de. presulib. Angl. –Britton's Survey of Lincolnshire).
          Dans le registre des fiefs de Philippe Auguste (Apud lib. nig. Mss. dioc. Constant) je vois qu'au commencement du 13e siècle la seigneurie de Quesnay était en quenouiile et qu'elle devait au roi le service d'un chevalier : domina de Quesnelo tenet quesnetum per servicium unius militis.
           Il n'y a eu en Normandie qu'une paroisse de Quesnay elle est contiguë à celle de Trely. Elle est si petite qu'on l'a supprimée. L'église est pauvre peu ancienne et insignifiante. Je n'ai pu retrouver dans cette commune les traces d'un ancien château. Cependant je ne désespère pas d'y réussir dans la suite et j'ai cru devoir la signaler.

    59. MONTCHATON.

     

         Depuis Orval nous avons inspecté, sur la rive droite de la Sienne Ies paroisses qui peuvent offrir quelque chance de rencontrer des traces d'anciens châteaux nous allons maintenant examiner sur l'autre rive, la partie méridionale du canton de Montmartin.
          La première paroisse qui mérite notre attention est celle de Montchaton elle n'est séparée d'Orval que par la rivière de Sienne.
          A l'époque de la conquête la seigneurie dé Montchaton était dans la famille des fondateurs de l'abbaye de Lessay. On voit par la chartre de fondation (Neustr. pia p. 619. Gall. Christ. XI, col 226. iustrum. Dioc. Constant) que Turstin Halduc et son fils Eudon Capel donnèrent à ce monastère l'église de Saint-Georges-de-ia-Roque ecclesiam sancti Georgii de Roca et des terres dans l'autre partie de la paroisse qui était alors plus particulièrement connue sous le nom de Monchaton avec la dîme de leur moulin et de leurs pêcheries.
          Une confirmation du roi Henri Ier prouve que la seigneurie de Montchaton appartenait aux barons dela Haie-du-Puits en 1126 (Gall. Christ. XI. col. 917 et inter instrum. dioc. Constant. col. 236).
          Dix ans après cette confirmation Henri Ier n'était plus. Sa succession était disputée avec acharnement entre Geoffroy, comte d'Anjou, et Etienne de Blois. Raoul de la Haie suivit le parti de ce dernier celui du comte d'Anjou prévalut en Normandie vers 1141, et Raoul de la Haie qui avait longtemps tenu la campagne contre le vainqueur fut forcé de se retirer dans son château de la Roque à Montchaton (Renseignements fournis en 1802 par M. Desmarest de Bavent, frère de M. de Montchaton) regardé alors comme imprenable.
          Le comte d'Anjou victorieux vint l'y assiéger, et le réduisit à une telle extrémité, qu'il fut forcé de sortir de la forteresse avec une selle sur le dos dans la posture ]a plus humiliante.
           Ces sortes de capitulations n'étaient pas alors très rares j'en pourrais citer plusieurs exemples (V. Guill. Gemet apud Duchesne, Norman. script. collect. p. 259).
           L'attachement de Raoul de la Haye pour Étienne, venait en partie des alliances qui existaient entre la famille du comte de Blois et celle des barons de la Haie-du-Puits.
           En 1174, Olive, fille du comte Étienne de Blois, mariée à Guillaume de Saint-Jean et mère de Raoul de Fougères et de plusieurs autres fils fit à l'abbaye de Savigny une donation qu'elle data de son château de Montchaton.
           Cet acte donne des détails généalogiques peu connus j'ai cru devoir le transcrire ci-dessous (In nomine Sanctœ Trinitatis noverint universi fideles quod ego Oliva filia Stephani comitis et mater Dni. Radulfi Filgeriarum Willelmo de Ste. Johanne marito meo et Radulfode Filgeriis coeterisque filiis unanimiter concordantibus dedi et cuaccssi abbatiae Savignei in pptuam et puram elemosinam eccliam de Belinstonia ex integro cum oib ad eam pertinentib facta est baeo donatio apud Montem Chaton anno ab incarnationi Dui. MCXCIII. Hujus donationis testes sunt Will. de Sto. Johanne maritus meus Galterius et Garinus capellani Hugo de Sto. Pancratio et multi alii. Cartul. Savignei de diversis epatib. Cart. IV. ).

          Au commencement du 13e siècle, Philippe-Auguste confisqua les biens des seigneurs de Saint-Jean ; ceux de Montchaton, qui en faisaient partie, furent enveloppés dans la saisie décrétée contre tous les partisans du roi Jean (Lib. Féod. Philip. régis, penès nos, p. 8).
           « Raoul de Breuilly seigneur en 1284 succédait à Gautier-Dubois (de Bosco) qui avait avait forfait sous Philippe-Auguste (Extrait d'un factum de M. Cabaret d'Othon, contre M. de Montchaton). La chartre du roi Philippe-le-Hardi donne, sur la confiscation la valeur de la fiefferme et le nom des fieffermiers, des détails qui m'ont engagé à le transcrire ici. « Philippus Dei graciâ francorum rex notum facimus universis tàm presentibus quàm futuris quod cum in manu nostrà teneremusmauerium de Montechatonis cum terris omnibus pertillenciis ejusdem, et omnes redditus et possessiones quas Gualterus de Bosco tempore quo decessit tenebat in Vicecomitatu Constantienni pro defectu solutionis plegiorum dicti Galteri de debito in quâ ratione dicti Galleri nobis tenebatur nos predictum manerium cum terris et pertinenciis et predictos redditus et possessiones vendidimus et nomine possessionis in perpetnum concessimus Radulfo de Bruilly militi baillivo nostro caleti et ejus hecedibus sive successoribus et causam habetitibus ab eo pro precio septingentarum librarum turonerismm penes nos jam positarum et solutarum Parisiis in solutum dehiti in qua ratione dicti Galteri tenebatur qnod ut ratum et stabile permaneat in futurum presentibus lilteris nostrum fecimus apponi sigillum actum Parrhisiis. A. D.
    MCCLXXXV mense X bris (Voir mon répertoire in-folio, p. 209).
         
    Après les Breuillys, Charles-le-Mauvais roi de Navarre, fut en possession du château de Montchaton ; cette possession fut troublée par les partisans du roi de France Charles V. Un Thieuville prit cette seigneurie à fieffe du Roi de Navarre ; il eut beaucoup à soufïrir à cause de la haine que Charles-le-Mauvais avait excitée.
           Une requête présentée au roi d'Angleterre quand il fut maitre de la Normandie, dans le siècle suivant peut donner une idée des malheurs du château de Montchaton pendant qu'il était au roi de Navarre cette requête donna lieu à une information qui peut fournir des renseignements curieux sur cette époque, sur le château de Montchaton et sur l'établissement de celui de Regniéville. Au risque d'être un peu long, j'ai cru devoir vous transcrire cet acte intéressant.
          « Information faite à Coutances par nous Robert Dyonis lieutenant-général de noble homme Hue-Spenser bailly de Cotentin ainsi qu'il suit
    Henry par la grâce de Dieu, roy de France et d'Angleterre a nos âmes et féaulx, les gentz de nos comptes, salut et ditection, recu avons l'humble supplication de notre amé et fëal Jean de Guéhébert (c'était un Thieuville) contenant comme d'ancienneté par aucuns de ses prédécesseurs eut été mis en fieffe par le Roy de Navarre qui, lors était des terres fief et seigneurie de Montchaton. Le manoir dudit lieu a été ars et démoli par nos adversaires comme lors mouvoient guerre au Roy de Navarre. Ladite seigneurie est assise près de Marais du Plain, du Mont-Saint-Michel et Granville, occupée par nos adversaires pour lesquelles causes et diminutions icelle terre, n'ait valu et ne vaut pour le présent, que trente livres de rente. Item dit qu'en ladite terre avait un beau manoir qui par l'ordonnance du Roy qui lors était, fut abattu a la requête de gentz du pays et que les édifices dudit manoir, comme pierres de Caen et de tailles et autres choses furent portées à l'edifice du chastel de Regnieville appartenant au Roy notre Sire et n'y demeure qu'une vieille salle qui, par occasion de la guerre y a été arse deux fois.  " Cette pièce est datée du sept janvier MCCCCXLV (1446) vu que l'année commençait à Pâques (Voir mon répertoire in-folio p. 209).
    Jean de Thieuville était encore seigneur de Montchaton en 1458 son père s'appelait aussi Jean. Par mariage d'une fille de cette famille, cette seigneurie passa avec plusieurs autres à un du Saussey (ibid).
           Je n'ai pas besoin de suivre plus loin les seigneurs de Montchaton, nous n'avons à nous occuper que de l'ancien château et nous venons de voir qu'il était démoli quand la terre devint la propriété des du Saussey et même au temps que les Anglais occupaient la Normandie.

          Par des renseignements particuliers on sait que la démolition du château de la Roque se fit vers 1360 sur la demande des habitants du pays, de peur que le Roi de Navarre ne s'en saisît et que les matériaux furent employés à augmenter et à renforcer le château de Regnéville (Requete présentée au Roi, par M. Cabaret d'Othon p. 46).
           Avant cette démolition, il y avait, dit-on (Mss.de M. Lefranc), près du château de la Roque, un bourg de plus de quatre cents maisons.
    Sa position était dans ce genre une des plus belles du département il était sur une hauteur près du pont de la Roque et d'un bras de mer plus considérable autrefois qu'aujourd'hui car il a été successivement diminué par les relais de la mer et les dépôts de la rivière. Je crois que l'enceinte extérieure de cette forteresse est d'origine romaine elle est connue dans ce quartier, sous le nom de sangle du castel. L'étymologie du nom de Montchaton, le travail des retranchements en terre sa position à l'embouchure de la rivière et justement près d'un pont auquel une tradition constante dans le pays donne une origine Romaine, sa ressemblance avec une enceinte du même genre, qui se trouve au-dessous de Caen à l'embouchure de l'Orne près du Bac du Port sur Bénouville, tout me porte à croire qu'il yeut là, autrefois, un poste Romain. Ce ne serait pas la première fois que nous trouverions dans notre département, le melange de retranchements de différentes époques il y a des positions qui sont de tous les temps et de tous les peuples.
           L'emplacement du château est très-escarpé, excepté vers le levant où l'on voit des traces de fossés ou de tranchées considérables. Les terres jetées vers l'intérieur y formaient un rempart très élevé et très épais.
           Le château était au sommet de cette élévation son enceinte paraît avoir formé un carré long, dont la largeur s'étendait du nord au sud. Je n'ai pu y retrouver la trace du puits celui qui y était doit avoir eu une grande profondeur la partie escarpée vers la rivière s'appelait la poterne.
           Dans l'état des fiefs de l'élection de Coutances, rédigé en 1327 par G. Leblond Bailly du Cotentin, je trouve l'article suivant qui parle du pont de la Roque et de la foire de Montmartin.
          « Guillaume Corbet, écuyer tient de Jehan Corbet, ecuyer, en parage, et ledit Jehan tient du Roy, par hommage un quart de fief de Haubert, à gage piège cour et usage a Montchaton et rend ledit terrein au Roy N. S. VIII livres à la St-Michel, sur quatre des Vavasseurs, dudit tenement, et aussy s'il venait guerre au pays, ledit Guillaume ayderait à garder dix jours la maître arche du pont de la Roque et aussy les hommes dudit Guillaume doibvent ayder à garder tes foires de Montmartin. "

     

    [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-montchaton-manche-a193089938 ]


    59. CHATEAU DE REGNIÉVILLE.

     

          Nous venons de voir que ce château était postérieur à celui
    de Montchaton il n'en est pas parlé avant le milieu du 14e siècle son origine remonte à l'alliance du Roi de Navarre avec tes Anglais et à la nécessité de leur assurer sur nos côtes, différents points de débarquement.
           Au commencement de ce siècle la seigneurie de Regniéville appartenait à un Paisnet ; son port était déjà très fréquenté. Charles-le-Mauvais, sentant bien tout l'avantage qu'il en pouvait tirer, s'en saisit, fit fortifier le château, et ne négligea rien pour en faire une bonne forteresse.
          Pour subvenir aux dépenses de ce travail, il mit sur les denrées qui entraient dans le port, et sur celles qui en sortaient une taxe dont nous avons encore le tarif (V. mon registre in-folio, p. 210) avec un état approximatif de la quantité de tonneaux de vin qu'on y apportait chaque année et des importations ou exportations les plus communes à cette époque à Regniéville.
          Les fortifications élevées par le Roi de Navarre ayant été détruites, les habitants demandèrent à être affranchis des taxes additionnelles qui pesaient sur leur commerce depuis p!us de cinquante ans et que le gouvernement les assujettît seulement aux droits payés dans les autres ports de cette côte dont leur requête donne l'état. 
          La réponse du gouvernement n'est pas connue peut-être n'en existe-t-il pas. La démence de Charles VI lui permit rarement de s'occuper d'affaires et l'état était rempli de divisions (Ibid. mem. Mss. de M. le Franc).
          L'occupation de la Normandie par les Anglais, peu d'années après la demande des habitants de Regniéville, leur fit éprouver de nouvelles charges. Le port et les fortifications du château furent rétabiis et ne rentrèrent qu'en 1449 sous la domination française. Le château est compté parmi les forteresses du Cotentin qui furent reprises par les troupes du comte de Richemont (Vie du connétable de Richemont p. 138 et 9, Monstrelet, Chartier).
          Depuis ce temps la mer a successivement envahi l'emplacement de la ville de Regniéville (Presque tous tes anciens titres se servent du terme ville), et enlevé pièce à pièce les fortifications du château.
    C'est particulièrement à une marée extraordinaire de1630 (Voir mon répert. in-folio, p. 210) qu'on rapporte les plus grands ravages de la mer dans ce quartier. Quelques années auparavant le château de Regniéville était encore regardé comme une forteresse ; M. de Briqueville (de Piennes) qui en était possesseur fut accusé d'intelligence avec les Anglais qui voulaient faire une diversion sur nos côtes pour faire lever le siége de la Rochelle et d'avoir voulu leur livrer ce château (Masseville, tom VI p. 117). Justement à la même époque, son fils qui servait dans l'armée du Roi fut tué d'un coup de canon ; cet événement détourna l'orage dont sa maison était menacée et fit cesser des poursuites déjà commencées d'une manière alarmante pour son château de Regniéville et pour lui.
           Le donjon de ce château existe encore en grande partie il est d'une hauteur moyenne ; ses murs ont environ onze pieds d'épaisseur. Les bâtiments à usage d'habitation étaient encore il y a cinquante ans occupés par M. de Piennes qui en était propriétaire. Ils avaient une enceinte particulière de murailles fort épaisses et fort élevées. Les enceintes extérieures occupaient une plus grande étendue de terrain que celles des autres châteaux-forts du pays.
           Cette forteresse n'est point sur une élévation ni dans une place dont on put facilement inonder les approches. Les remparts sont détruits d'un côté par la mer. Le temps en a assez épargné les autres côtés, pour qu'on puisse suivre encore leur pourtour. On n'y voit plus de traces des fossés hormis à l'enceinte intérieure.
           J'y ai remarqué plusieurs souterrains voûtés qui ont, dit-on servi de passage jusqu'à une grande distance mais ils sont si bas, qu'il est impossible de s'y tenir debout.
           Au pied du donjon, on voit encore de grosses boules de marbre dont l'usage pour la défense des places au moyen âge n'était pas inconnu.
          Si on en croit le Tasse qui dans les détails historiques de son poème, suit exactement les auteurs contemporains des Croisades les Sarrasins du haut des murs de Jérusalem en jetaient sur les chrétiens qui montaient à l'assaut. Indi gran palle uscian marmoree e gravi (Canto XVIII).
          Depuis quelques temps le propriétaire actuel a reconstruit quelques bâtiments autour du donjon ; mais rien ne les garantit des ravages de la mer, contre lesquels l'église même n'est pas en sûreté.
           La famille de Piennes étrangère au département et à la Normandie, possédait la seigneurie de Regniéville et plusieurs autres entre Coutances et Granville en conséquence d'une alliance avec l'héritière d'une branche des Paynels. "

    Charles de Gerville

     

    [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-regneville-sur-mer-manche-a128048994 ]

     

     

    Pour la suite de l'arrondissement de Coutances : les cantons de Bréhal et de Gavray, aller ici. [NdB]

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