• ANCIENS CHATEAUX DE LA MANCHE PAR GERVILLE : ARR. COUTANCES [1]

    CHATEAUX DE LA MANCHE/GERVILLE : ARR. COUTANCES : C. LA HAIE-DU-PUITS     Charles-Alexis-Adrien Duhérissier de Gerville (Gerville-la-Forêt 1769 - Valognes 1853), érudit, historien naturaliste et archéologue français est un noble qui émigre en 1792 puis s'installe en Angleterre où il perfectionne ses connaissances botaniques. Revenu en France en 1801, il s’installa à Gerville où il se consacre à l’étude de l’archéologie du Cotentin. Il fait partie du petit groupe des premiers historiens de l’architecture en France. À partir de 1814, il entreprend un inventaire des églises de la Manche. Charles de Gerville était correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Membre du conseil général de la Manche, il démissionne durant la révolution de 1830 et, légitimiste, refuse la croix de la Légion d'honneur que lui offre Louis-Philippe Ier.

         Il est l'auteur de nombreux ouvrage sur le passé archéologique de la Manche. Voir ici.

         Concernant le thème des châteaux médiévaux, il publie successivement dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie :

     

    - en 1824, un Premier mémoire sur les anciens châteaux de la Manche (arrondissements de Cherbourg et de Valognes, p. 177-367) Voir ici.

     

    - en 1825, un Second mémoire sur les anciens châteaux de la Manche (arrondissement de Coutances, p. 183-436) Voir ici.

    Voir dans ce blog, ici.

     

    - en 1827-1828, les Recherches sur les anciens châteaux du département de la Manche (arrondissements d'Avranches et Mortain, p. 59-196) Voir ici.

     

    - en 1829-1830, les Recherches sur les anciens châteaux du département de la Manche (arrondissement de Saint-Lô, p. 187-319). Voir ici.

    Voir dans ce blog, ici. 

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    MEMOIRE SUR

    LES ANCIENS CHATEAUX DE LA MANCHE

    par Charles de Gerville - arrondissement de Coutances, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, 1825 ; p. 183-436  

     

    " SECOND MÉMOIRE

     ... sur les anciens châteaux du département de la Manche adressé à M. le comte d'Estourmel, préfet de ce département par M. de Gerville.

    (Lu à la séance du 3 avril 1826.)

    L'arrondissement de Coutances est le plus étendu et le plus populeux du département il nous fournira un nombre d'anciens châteaux plus considérable que les deux précédents réunis (Voyez mon premier Mémoire dans le volume publié par la Société en 1824).
    Si parmi ceux-ci il ne s'en trouve pas qui aient l'importance de ceux de Cherbourg ou de Saint-Sauveur-le-Vicomte l'ensemble je l'espère, ne présentera pas moins d'intérêt que celui des châteaux de la presqu'île du Cotentin. J'entre en matière sans préliminaires.

     

    ARRONDISSEMENT DE COUTANCES,

     

    [On trouvera ici le  canton de la Haie-du-Puits, NdB]

     
    Canton de la Haie-du-Puits

     
         
    « Ce canton est contigu à celui de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Le bourg dont il porte le nom est à près de trois lieues de Saint-Sauveur, vers le midi, et sur la route la plus directe de ce bourg à Coutances.
          Avant de suivre cette route, nous allons nous écarter vers le couchant et prendre connaissance de deux châteaux tellement enclavés dans le canton de Saint-Sauveur, qu'ils ont au premier coup d'œil l'air d'en faire partie. Ce sont ceux de Pierrepont et de Canville.

    36. PIERREPONT.

     

         Cette paroisse qui a donné son nom à un des compagnons de Guillaume-le-Conquérant, est située entre les cantons de Saint-Sauveur-le-VIcomte, Barneville et la Haie-du-Puits.
          Dès le temps de Charlemagne et même de Pépin, Pierrepont avait un prieuré dépendant de l'abbaye de Fontenelle. Deux abbés de ce monastère y moururent l'un en 787 l'autre en 806 (Ex Chronic Fontanell. apd. Acherii spicit. In 4° : tom. 3, p. 231 -Gall. Christ. XI. Col. 172) ; mais nous n'avons pas à nous occuper des abbés de Fontenelle, je passe au compagnon de Guillaume-le-Conquérant.
          Suivant les généalogistes Anglais il s'appellait Robert (Liste de Holingshed dans St. Allais, p. 248. Collins Peerage, éd. sir. E. Brydges tom. V, p. 626. Debrett's Peerage 1816 p. 350 - Dugdale papers) il est assez probable qu'il suivit à la conquête Guillaume, comte de Varenne car il tenait des terres qui relevaient immédiatement de ce seigneur, peu de temps après la conquête, dans les comtés de Suffolk et de Sussex. Une paroisse de ce dernier comté a retenu son surnom de lui (Hurst Pierrepont ) ; ses autres possessions étaient assez étendues pour devoir le service de dix chevaliers.
          Un de ses descendants possédait dans le 13e siècle des terres considérables dans le comté de Nottingham, et entre autres la seigneurie de Holme, à laquelle il ajouta le surnom de Pierrepont (Collins ibidem Earl Manvers).
          Je ne suivrai pas plus loin cette famille en Angleterre où elle a passé par tous les titres de baron, de vicomte, de comte, de marquis et de duc. Le comte actuel de Manvers d'abord vicomte Newark héritier du duc de Kingston en est descendu.

         La même famille existe encore en basse Normandie, et particulièrement dans le département de la Manche, où elle a possédé jusque dans le 17e siècle le berceau de ses ancêtres qui est passé par des mariages dans les familles d'Osmond et de Briges. Elle a aussi possédé la baronnie des Biars érigée en marquisat par Louis XIV, en faveur de Louis de Pierrepont, dont les services et ceux de ses ancêtres sont rapportés dans les lettres d'érection j'en possède une copie (Ces lettres sont datées du mois d'avril 1690).
          Les Pierrepont de Normandie se sont divisés en trois branches. Une a continué d'habiter la paroisse qui fut leur berceau une autre s'est fixée dans le diocèse de Bayeux et la troisième a possédé la baronnie de Biars et la seigneurie de Saint-Marcouf. Bien que d'une même origine leurs armes sont différentes les premiers portent pâlé d'or et d'azur de six pièces, au chef de gueule ; les autres d'azur au chef  endenché d'or. Les armes des Pierrepont d'Angleterre sont très différentes ; mais cela est facile à expliquer. Le comte de Manvers descend des femmes. Son nom de famille est Meadows ; et en prenant le nom de Pierrepont il n'a pas quitté les armes de sa famille (V. Collins et Debrett sup.).
          Parmi les biens très considérables que la famille normande a longtemps possédés à Saint-NicoIas-de-Pierrepont, je n'ai pas encore pu reconnaître d'une manière certaine l'emplacement du château primitif, qui était, dit-on, sur la ferme connue aujourd'hui sous le nom d'Ecauzeville (Il serait possible qu'il eût été Saint.Sauveur-de-Pierrepont, sur un lieu nommé le Castel-de-Montaban, où sont le nom et tous les accessoires d'un ancien château.).
          Suivant l'état des paroisses et des cures du diocèse de Coutances dressé au milieu du 13e sièc!e, par Jean d'Essey, alors évêque de ce diocèse, il y avait deux cures à Saint-Nicolas-de Pierrepont une était à la présentation de Robert de Pierrepont, l'autre à celle du Roi ce qui me fait présumer qu'elle avait été confisquée par Philippe Auguste.
          De toutes mes listes de la conquête, la seule où je trouve le nom de Pierrepont, est celle de Th. Talleur citée par Holingshed et après lui par St.-Allais (Armorial de Normandie, page 248). La raison de ce silence vient peut-être de ce que la famille fut sans titre longtemps après la conquête (V. Collins et Debrett's Peerage ubi sup.).

    37. CHATEAU D'OLLONDE A CANVILLE.

     

         Il est indubitable qu'un seigneur de Canville était à la conquête d'Angleterre qu'il eut dans ce royaume des concessions très étendues, et que sa famille joua un grand rôle dans ce pays jusqu'au règne d'Édourd II (Masseville Hist. de Normandie tom. 1 p. 200. T. Talleur apd. Holingshed. – Collins Peerage, édit. de 1708, tom. II, P.153.) mais comme il existe en Normandie deux paroisses de Canville on peut douter laquelle fut le berceau de cette illustre famille Anglo-Normande. Voici les raisons qui m'ont déterminé en faveur de celle qui fait l'objet de cet article.
          Je trouve d'abord deux alliances entre les anciens Canville et des familles du canton de la Haie-du-Puits où est située notre paroisse. Sous le règne de Jean-sans-terre, Richard de Canville épousa la veuve de Thomas de Verdun ; Gilbert, son père, avait épousé Nicole fille aînée de Richard de la Haie-du-Puits (Collins ub. sup. Dugdale's Baronnage. Bank's Extinct Peerage tom. 1 p. 99.). On doit penser naturellement que des femmes du diocèse de Coutances, se marièrent dans leur pays plutôt que dans le pays de Caux.
          Une autre alliance fortifie ma conjecture. Raoul d'Harcourt, qui vivait à la fin du 12e siècle, épousa Isabelle, fille et unique héritière de Richard de Canville (Collins's Peerage by sir Egerten Brydges tom. IV pag. 432 et 3. Laroque, maison d'Harcourt, tom. 1.). A cette époque la baronnie de Saint-Sauveur venait de passer dans la famille d'Harcourt (V. sup. art. Saint-Sauveur.). Canville est à une lieue de Saint-Sauveur, le voisinage milite encore ici en faveur de notre département. J'avoue que je suis encore réduit à des probabilités ; en voilà déjà plusieurs mais ce qui leur donne un très grand poids c'est qu'outre le château actuel d'Ollonde à Canville qui remonte au 15e ou 16e siècle on trouve sur le même terrain ta motte et l'emplacement d'un château antérieur, et qui remonte assez probablement au temps de la conquête. J'ai fait faire dans le département de la Seine-Inférieure beaucoup de recherches pour savoir s'il existait à Canville en Caux des restes d'un ancien château ou au moins des traces de son emplacement mon savant ami, M. Auguste Le Prévost qui recherche les antiquités de la Haute-Normandie avec la plus infatigable persévérance et qui, par une complaisance particulière que je ne puis trop reconnaître a bien voulu faire sur le Canville de la Seine-Inférieure, les recherches les plus attentives, est convenu qu'il n'a pu rien y découvrir de ce genre. Son témoignage est d'autant plus précieux, qu'il connaît parfaitement cette partie de la Normandie, et qu'il avait pensé qu'on pouvait avec probabilité y placer le berceau des Canville d'Angleterre.
          Dans le registre des fiefs de Normandie sous le règne de Philippe Auguste, on voit que le château d'Ollonde à Canville, relevait avant ce règne de la baronnie (de honore) du Plessis (Lib. feodorum Domini Regis Philippi apd. Lib. nigr. episcop. Constant. feoda honoris de Litehare.) dont le chef-lieu, comme nous le verrons bientôt, était très-voisin de celle de la Haie-du-Puits.
          En citant le registre de Philippe-Auguste, il est indispensable de donner aussi quelques détails sur les Canville d'Angleterre et de Normandie antérieurement à ce Roi.
          Tandis que notre province était encore sous la domination des descendants de Guillaume-le-Conquérant Gérard de Canville, qui joua un rôle important en Angleterre où il avait de grandes possessions avait aussi des seigneuries en Normandie.
          Gérard et Richard de Canville souscrivirent à Valognes, avec plusieurs seigneurs du Cotentin, une chartre du Roi Henri II, en faveur de l'abbaye de Savigny (Cartul. de Savign. episc. Constant. Cart. III.).
    A la même époque, Gérard de Canville figure dans la liste des possesseurs de fiefs en Normandie, extraite du livre rouge de l'échiquier (Apd. Ducaret, traduction française, page 240.).
          Robert de Canville est cité parmi les chevaliers du Cotentin, qui comparurent à Tours, en 1272 (Rolle cité par Laroque traité du ban et arriere-ban pag. 90.).
          Si l'on veut connaître l'importance des Canville en Angleterre on peut consulter les actes et les histoires du 12e siècle. Le baronnage de Dugdale et les Pairages éteints de Banks et de Collins (Banks tom. pag. 49). Ceux d'Outremer portaient de sinople à trois lions passants d'argent armés et lampassés de gueules (V. Aussi Beauties of England. Britton's Lincoinshire pag. 607.). Il est probable que ceux de Normandie, qui étaient les mêmes, avaient le même écusson.
          Parmi les possesseurs du château d'Ollonde postérieurs à Philippe-Auguste, je trouve en 1257 Thomas Néel, filius Johannis militis qui confirme à l'abbaye de Saint-Sauveur les donations faites par ses prédécesseurs et dépendantes de cette seigneurie.
          Vers le milieu du 14e siècle, Jeanne Bertrand, héritière de la baronnie de Briquebec, épousa Guillaume Paisnel, baron de Hambye et seigneur d'Ollonde (Hist. des Grands Officièrs de la couronne, tom. VI, p. 691).
          En 1467, Franco, fille de Guy, baron de Mareuil en Angoumois et de Philippe Paisnel, dame d'Ollonde, épousa Philippe d'Harcourt et mourut sans enfants.
          Jacques d'Harcourt, cinquième fils de Jean seigneur de Bonnestable (Ibid, tom. IV, pag. 140), qui mourut en 1550, avait épousé Elisabeth Bouchard d'Aubeterre dame d'Ollonde fille de Louis Bouchard (ibid pag. 142 ), dit le chevalier sans reproche, et de Marguerite de Mareuil.
           Depuis ce temps la branche d'Ollonde fut distincte du reste de la famille d'Harcourt elle subsiste aujourd'hui dans MM. Amédée et Emmanuel d'Harcourt : le premier est Pair de France l'autre, membre de la chambre des députés pour le département de Seine-et-Marne.
          Ce qui reste d'habitable au château d'Ollonde est. converti en une ferme dont la construction remonte pour la majeure partie au 16e siècle. Ce bâtiment ainsi que ceux de ce temps, est plus ptttoresqueque commode à habiter ; en arrière il est flanqué de tours carrées qui semblent avoir été entièrement calculées pour la défense. Ces tours et leurs courtines qui forment des angles saillants et rentrants me semblent plus anciennes que la maison manable mais un peu plus loin on remarque plusieurs mottes ou élévations de terrain, qui formaient je pense l'emplacement du château primitif, dont on voit des pans de murs démolis et dispersés dans les fossés, qui sont encore profonds vers le couchant, et qu'on pouvait remplir d'eau très-facilement.
          Au lieu d'une motte simple et conique, comme celles qui indiquent généralement la place des châteaux du moyen âge, et plus particulièrement ceux du temps de la conquête, on voit ici plusieurs petites élévations rangées irrégulièrement, et en apparence indépendantes les unes des autres. Seraient-ce les restes d'une ancienne enceinte ?
          L'emplacement ou existait cette forteresse est sur une élévation à l'angle formé par la réunion d'un ruisseau à la petite rivière de Gris ; justement à la limite des arrondissements de Valognes et de Coutances.
    A l'entrée de la cour vers le levant, on retrouve les restes de deux tours jadis destinées à en empêcher l'accès aux ennemis.
          Le donjon, les tours de différentes formes qui composent une partie du château d'Ollonde l'aspect peu commun de ces tours quarrées qui flanquent les derrières de l'enceinte, forment une réunion plus confuse que pittoresque. L'effet de l'ensemble est imposant, mais peut-être singulier et incohérent.
          Je me suis procuré deux plans de ce château celui du cadastre, et celui qui fut levé il y a environ cinquante ans pour M. le marquis d'Harcourt celui-ci contient plus de détails, et particulièrement l'indication des anciens retranchements.

     

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    38. CHATEAU DE VARENGUEBEC.

     

         Après nous être écartés de la route de Saint Sauveur à Lessay, pour examiner un angle du canton de la Haie-du-Puits qui semble devoir plutôt appartenir à celui de Saint-Sauveur revenons sur nos pas vers le levant et dans une paroisse limitrophe de l'arrondissement de Valognes. Le château de Varenguebec est le premier où nous ayons à faire des recherches.
          Ce château jadis plus important que le précèdent n'offre pourtant pas un emplacement aussi curieux mais les renseignements sur la suite de ses possesseurs sont bien plus abondants.
          Beaucoup de ses anciens titres subsistent encore au chartrier de Coigny et plusieurs ouvrages imprimés donnent des détails sur ses seigneurs.
          Raoul d'Évreux, seigneur de Gacé (Vacy où Vassy) et de Varenguebec connétable de Normandie était un des tuteurs ou gouverneurs du duc Guillaume, qui conquit l'Angleterre. Il remplissait les fonctions de cette charge difficile, environ trente ans avant l'expédition qui rendit son pupille le plus puissant-Roi de l'Europe (Hist. des Grands Officiers de la couronne, tom. II pag. 477. Guill. Gemet. Lib. VII. Apd. script. Norman. Collect. pag. 268, 9, et Lib. VIII cap. XVII. Ibid pag. 301.).
          A cette époque mémorable la seigneurie de Varenguebec appartenait à la famille de Reviers, alliée de très près à celle du conquérant. J'en ai parlé au chapitre de la baronnie de Néhou (V. Sup. n°. 9. Grands Officiers de la couronne, tom. II Pag. 491, 2' 79- 2).
    Dans le siècle suivant, Mathilde de Vernon ( Reviers ) dame de Varenguebec épousa son cousin Richard de la Haie-du-Puits. Ils fondèrent conjointement l'abbaye de Blanchelande et le prieuré de Saint-Michel-du-Bosc (Gall. Christ, tom. XI, col. 945, 6. – Neustria pia, pag. 842 et seq.). L'emplacement de ces deux monastères fut pris sur le territoire de la seigneurie de Varenguebec.
          En mourant ils laissèrent trois filles héritières de leurs vastes domaines Gillette, une d'elles épousa Richard du Hommet, et lui apporta en mariage la baronnie de Varenguebec,et le titre héréditaire de connétable de Normandie qui y était attaché.
          Après avoir appartenu à plusieurs générations successives de la famille de Hommet, cette baronnie tomba une seconde fois en quenouille.
          Robert de Mortemer, qui mourut en 1277 la possédait au nom de sa femme Julienne ( ou Nicole) une des héritières de Jourdain du Hommet (V. Sup. article de la Luthumière, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires, première année.).
          A la mort de Robert de Mortemer, Varenguebec passa par Jeanne sa fille à son mari, Guillaume Crespin maréchal de France qui avait suivi le roi St.-Louis à la croisade d'Afrique, en 1270.
          Le titre de connétable fut le sujet d'une grande contestation entre les trois filles de Jourdain du Hommet, mariées toutes trois. En 1294, il fut reconnu que ce titre appartenait à la baronnie de Varenguebec (Hist. des Grands Officiers de la couronne, tom. VI, p. 634). Guillaume Crespin fils de celui qui avait épousé Julienne du Hommet mourut en 1330, ne laissant encore que des filles.
          Jeanne qui était l'aînée, se maria en 1334, à Guillaume de Melun, comte de Tancarville et lui apporta entre autres seigneuries la baronnie de Varenguebec.
          Pendant deux siècles, vous voyez que cette châtellenie passe cinq fois en quenouille. Le 14e siècle n'était pas encore écoulé et déjà une autre fille l'avait portée dans la famille d'Harcourt.
          En 1381, Guillaume d'Harcourt, comte de TancarviIIe rendit au roi l'aveu de ses fiefs et entre autres de la baronnie de Varenguebec.
          Dans cet acte il prend le titre de connétable hérédital de Normandie (Laroque Hist. de !a maison d'Harcourt, pag. 4. ibidem pag. 716 et 17.).
    Pierre abbé de Blancheiande rendit, en 1452 à Guillaume d'Harcourt, seigneur de Tancarville, connétable héréditat de Normandie, un aveu pour son abbaye.
          Peu d'années après, Jeanne de Carbonnel, supérieure de Saint-Michel-du-Bosc, lui rendit aussi aveu pour son couvent, situé à Varenguebec, dont il représentait le fondateur comme possesseur de cette baronnie (Laroque Hist. de la maison d'Harcourt, pag. 718).
    Jeanne d'Harcourt, baronne de Varenguebec, mourut sans postérité en 1488 après avoir légué tous ses biens à François d'Orléans, comte de Dunois, son cousin (Hist. des Grands Offic. de la couronne, tom. V, pag. 137 ).
          Après ce temps et particulièrement depuis le commencement du règne de François Ier jusqu'en 1565 cette baronnie fut possédée par la famille d'Orléans Longueville et faisait partie du comté de Tancarville (Archives de Varenguebec au château de Coigny.).
          En 1565, Léonor d'Orléans, duc de Longueville et d'Estouteville connétable hérédital de Normandie, donna cette seigneurie à François de Rothelin, son frère naturel, se réservant pour lui et ses successeurs les titres honorifiques tels que celui de connétable et les prérogatives qui y étaient attachées (ibidem).
          En compulsant les archives du château de Varenguebec, j'ai trouvé dans presque tous les actes de ce siècle, Henri ou Henri-Auguste d'Orléans, marquis de Rothelin baron haut justicier de Varenguebec, premier baron de Normandie seigneur de Cretteville Beuzeville etc.
    En 1695, suivant l'état de la généralité de Caen dressé par M. de Foucault intendant de cette généralité la baronnie de Varenguebec appartenait à la duchesse de Nemours et au marquis de Rothelin. En 1726,elle était encore au marquis de Rothelin (Hist. des Grands Offic. de la couronne, tom. II, pag. 224).
          Vers 1740, cette baronnie fut achetée par M. le comte de Coigny elle fut peu de temps après réunie au duché de Coigny dont l'érection se fit au mois de février 1747 en faveur de François de Franquetot comte de Coigny. maréchal de France (Je possède une copie imprimée des lettres d'érection.).
          Depuis ce temps, la haute justice de Varenguebec avait été transférée à Coigny. En 1784, elle le fut de nouveau à Prétot, dont le duc de Coigny venait de faire l'acquisition. Elle y était encore au commencement de la révolution (Archives de Prétot au château de Coigny. ).
          Sous le règne de Philippe-le-Bel la baronnie de Varenguebec donnait la septième place à l'échiquier de Normandie, parmi les barons du Cotentin (Masseville, tom, III, pag. 44.–Laroque, Harcourt, page 160.).
          Je ne vois pas que le château ait jamais soutenu de siège il était situé à cinq cents mètres environ au levant de l'église sur un terrain qui s'élève en pente douce de ce côte. On ne peut pas dire qu'il soit sur un terrain escarpe, ni qu'on ait particulièrement cherché à en rendre les approches difficiles sinon peut-être du côté des douves et des étangs.
    L'enceinte formait un parallellogramme assez spacieux, fermé de murs épais, flanqués de tours, dont il est encore aisé de reconnaître l'emplacement. La plus considérable de ces tours (probablement le donjon) était sur l'emplacement de la boulangerie actuelle.
          Le bâtiment appelé la prison qu'on voit encore au centre de l'enceinte est bien plus moderne que le reste. C'était tout au plus une prison provisoire de la haute justice. Rien ne porte à croire qu'il ait été construit exprès pour une maison de détention.
          Il y avait aussi dans cette enceinte une chapelle dédiée à St.-Gilles dont il ne reste plus rien.

          Tous les remparts sont démolis il en reste peu de traces hors de terre mais on en peut aisément reconnaître la périphérie. D'ailleurs elle est bien figurée .sur le plan de la paroisse levé en 1754, qui se trouve au chartrier de Coigny, et dont M. Gallemand receveur du château a bien voulu me procurer un calque. Je le prie de recevoir ici tous mes remerciements pour l'extrême complaisance qu'il a mise à faciliter toutes les recherches que j'ai eu besoin de faire aux archives du château de Coigny.
          Des maisons manables dont il ne reste plus qu'une habitation de fermier formaient au levant une seconde enceinte contigue àla première deux tours défendaient l'entrée de cette espèce d'avant-cour de la forteresse.
          L'ancien siège de la haute justice n'avait rien de remarquable il était au dehors de l'avant-cour, vers le levant, à une très-petite distance.
    Nota. Il se trouve à une assez grande distance du château sur la terre de l'Andruerie, au levant du bois de Limor, un tertre factice nomme la butte Bertrand, qui peut avoir été un Tumulus, ou peut-être l'emplacement d'un château. J'ai cru devoir l'indiquer ici.

     

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    39. CHATEAU DE LiTHAIRE.

     

         La commune où est situé ce château touche à Varenguebec,et contient même une partie des terres de Blanchelande et de Saint-Michel-du-Bosc. Le château situé à la pointe d'une montagne, sur un emplacement d'ou la vue est extrêmement étendue de tous les côtes est aussi apperçu à de très grandes distances et même des côtes de l'île de Jersey qui en sont à près de dix lieues.
          Il n'en existe peut-être pas un seul dans notre pays qui soit plus connu des navigateurs de la Manche, et qui soit plus montré au doigt par ceux qui voyagent dans le Cotentin.
          Mais quand en l'examinant de près on veut en assigner l'origine et en indiquer l'usage aux différentes époques de sa longue existence il n'est pas facile de parler d'une manière bien assurée. Est-ce un château du moyen âge, n'est-ce pas plutôt le travail des Romains ? Voilà deux
    questions que j'ai entendu faire depuis mon enfance et je ne sache pas qu'on y ait jamais donné une réponse satisfaisante.
          En vous en parlant aujourd'hui, je n'ai pas la prétention d'éclaircir toutes ces difficultés. Je vous rapporterai seulement les faits et les renseignements peu nombreux que j'ai pu recueillir sur ce château extrêmement rapproché de mon berceau et celui de tous que j'ai le plus visité et le plus examiné.
          Est-il d'origine Romaine, Saxone ou Normande ? Est ce une vigie on corps-de-garde, comme le croient les habitants du lieu est-ce un castellum exploratorium des Romains, ou un château fort du moyen âge qui aura servi pour la défense et l'habitation ?
          En voyant la simplicité et l'uniformité de sa construction ses murs droits sans accessoires sans crénaux sans mâchicoulis sans corbeaux sans toiture, sans saillie, tellement unis au sommet qu'on s'y promène facilement, mais sans parapets, d'une hauteur au dessous de la moyenne mais d'une grande épaisseur, il est difficile de croire qu'il ait jamais pu exister une garnison entre quatre murs très rapprochés ; mais en voyant vers le midi deux portes ouvertes dans un mur assez épais pour qu'on y ait pu pratiquer une espèce de galerie couverte, it est difficile de ne pas croire qu'on a eu l'intention d'y placer des factionnaires ou des excubiatores en petit nombre, dont la consigne était de voir venir, mais non d'attendre l'ennemi, ce qui s'accorderait assez avec l'idée de corps-de-garde que l'on a aux environs du château de Lithaire. Mais si c'était un exploratarium à quelle nation appartenait-il ? L'épaisseur de ses murs, leur solidité, leur simplicité, leur position élevée les cintres semi-circulaires des portes m'ont fait penser aux Romains mais a!ors pourquoi n'y aurait-il ni briques, ni pierres de taille ? En vérité, je n'en sais rien, et je ne puis que former des conjectures. Cependant je pencherais pour une origine Romaine et le voisinage du Montcastre, dont la montagne de Lithaire est pour ainsi dire un poste avancé, me confirme dans cette idée.
          Mais alors me dira-t-on pourquoi avec cette idée ai-je placé ce que je prenais pour un exploratorium Romain parmi les châteaux du moyen âge ? A cette difficulté, que je me suis faite je réponds que ce ne serait pas la première fois qu'on aurait vu le travail des Romains converti à l'usage de leurs successeurs et que même dans le cas actuel il est constant, par des accessoires postérieurs, qu'on a converti le corps-de-garde de Lithaire en château du moyen âge.
          L'enceinte du château forme un quarré long. Sa. longueur extérieure du nord au sud est de cinquante pieds, sa dimension intérieure du même côte est de vingt-huit, ce qui donne vingt-deux pieds pour l'épaisseur des murs. L'autre côté E et O a vingt-cinq pieds dans œuvre et quarante-six extérieurement.
          Le mur septentrional a été démoli par Philippe-Auguste, à ce qu'on croit il en reste des masses de maçonnerie qui ont roulé jusqu'au pied de la montagne car elle est très escarpée de ce côte d'autres sont restées en chemin.
          Le mur méridional est entier, il a douze pieds d'épaisseur. Deux ouvertures ou portes à plein ceintre sont au milieu de ce mur. De ce côté la montagne est encore très escarpëe mais la descente est moins longue. Près de celle de ces portes qui est le plus au levant, on avait pratiqué dans l'épaisseur du mur un petit espace voûté ou les sentinelles pouvaient être à l'abri, et pourtant surveiller tout ce qui se passait au sud du château leur surveillance pouvait de ce côté s'étendre sur la mer entre Coulances et Portbail.
          La hauteur des murs était d'environ vingt-cinq pieds il n'y a ni aux encoignures ni aux portes, aucune pierre de taille. Tout est d'un grès quartzeux très-rude, qu'on trouve en abondance sur le lieu et de la même nature que les rochers dont le sommet du mont est hérissé.
          Aucunes fondations ne se retrouvent hors du bâtiment dont je viens de parler. Vers le S.O. On y a ajouté au pied de la montagne une enceinte en forme d'arc ces travaux sont postérieurs et je crois du moyen âge. Dans cette nouvelle enceinte il y avait jadis une chapelle dédiée à St.-Etienne. De tous les autres côtés on pouvait sans obstacle parvenir au pied des murs du château.

         La tradition locale lui donne une origine Romaine. Tout me porte à croire que cette tradition est fondée, mais il n'en est pas moins constant que sous les ducs de Normandie, avant et après la conquête de l'Angleterre, le château de Lithaire était devenu chef-lieu d'une baronnie qu'elle fut confisquée par Philippe-Auguste, et que plus de cent ans après cette confiscation, le château existait encore parmi les forteresses du pays où l'on faisait guet et garde.
          Il est incontestable qu'un seigneur de Lithaire suivit le duc Guillaume à la conquête de l'Angleterre il est indiqué sur presque toutes les listes de cette expédition (Chroniq. de Normandie chez le Mégissier. – Hollingshed, Masseville, wace, roman de Rou). On trouve aussi qu'après la conquête des concessions furent faites en Angleterre, à des seigneurs du nom de Litheare ce qui est évidemment le même nom, car on l'écrit de la même manière dans le registre des fiefs de Philippe-Auguste.
          La tradition du pays et d'anciens actes que je n'ai pu me procurer, mais qui existent indubitablement, s'accordent pour faire croire que ce château fut démoli par Philippe-Auguste.
          L'auteur de l'histoire militaire des Bocains le dit positivement (page 139) mais il ne cite jamais ses garans.
          Quoiqu'il en soit, il fut bien certainement confisqué par ce Roi il n'est pas moins certain que la châtellenie de Lithaire était considérable.
          Le registre des fiefs de Normandie rédigé vers 1208, le prouve « Le Roi, y est-il dit, possède par forfaiture (per eschaetam (V. Eschaeta dans Spelman.) le château de Lithaire, qui doit le service de deux chevaliers et demi (Lib. 1. feodorum Domini Reg. Philippi apd. lib. nigrum mss. dioc. Constant.) »
          Beaucoup de fiefs dépendaient alors de la baronnie de Lithaire (Ibidem.) au temps de la confection du registre dont je viens de parler. Les principaux étaient ceux que possédaient Richard de Vauville, Richard des Moitiers, Robert Taillefer, Richard de Saint-Germain dans la paroisse de Nay, Geffroy du Retour, Guillaume Roges, Guillaume Le Fêvre, Guillaume de Prael ou de Préaux (de Pratellis), Gautier de Sainte.Mère-Église, Thomas de la Fière, Jean d'Anneville-en~Saires, Foulques de Commendal-au-ViceI, Henri d'Aboville, etc. (Lib. nig. feodorum pênes nost. et à la fin de l'Hist. d'Harcourt, par Laroque.).

         J'avais pensé d'abord que la confiscation et la démolition du château en avaient occasionné la destruction absolue mais je vois que dans le siècle suivant on y faisait encore le service militaire en temps de guerre. Voici ce que j'en trouve dans un rôle des fiefs du baillage de Coutances, rédigé en 1327 par ordre de Guillaume-le-Blond, grand bailly de Cotentin : « Guillaume de Bruilly tient du Roi en la vicomté de Carentan le fieu de Vetye, à cause duquel il doibt garder le chasteau de Lithaire, un jour et une nuit en temps de guerre (Je possède ce registre).
           Il y avait autrefois à Lithaire le siège d'une vicomté qui fut transféré d'abord à Lessay puis réuni au baillage de Périers. Le comte d'Arundel, de la famille d'Aubigny, était possesseur du château de Lithaire à l'époque de sa confiscation. Sa mémoire est encore abhorrée dans la paroisse on fait sur sa cruauté les histoires les plus incroyables, et auxquelles on n'eût probablement jamais pensé si son parti avait été victorieux. Vae Victis !
          Au moment de la révolution, le domaine de !a Couronne ne possédait plus à Lithaire que l'emplacement du château une ferme considérable et qui en dépendait autrefois, avait été donnée aux Templiers. A l'époque de la destruction de cet ordre fameux, Philippe-le-Bel l'avait probablement aliéné à charge de redevances de service militaire au château, et de remplir les fonctions de sergent fieffé de Lithaire que donne Montfaoucq à celui qui la possédait en 1463 (V. la recherche de noblesse de Rémont Montfaoucq, éd. de M. Labbey de La Roque, pag. 79) il appartenait à la famille le Berseur, qui, dans le 17e et le 18e siècles, possédait une seigneurie à Fontenay en Cotentin. On voit dans l'épitaphe d'un seigneur de cette famille mort vers 1680, qu'il était commandant de Cherbourg et seigneur de Lithaire (Cette épitaphe est dans l'église de Saint-Marcouf en Cotentin, près de la porte de la sacristie. Il est beaucoup parlé de cette famille dans l'histoire de M. Pâté, curé de Cherbourg, par M. Trigan.); c'est probablement de celui-ci on de ceux de cette famille que la fiefferme de Lithaire avait pris le nom de Fontenay qu'elle porte aujourd'hui. Je trouve dans des titres du 16e siècle, que les Berceur avaient la seigneurie de Lithaire en 1570.
          La position du château sur une montagne escarpée, hérissée de rochers et très pittoresque, paraît avoir attiré l'attention d'un peuple antérieur aux Romains dans les Gaules. Il y a sur cette montagne une pierre mobile placée sur la pointe d'un rocher c'est l'espèce de monument druidique à laquelle on a donné le nom de Logan.
          J'en ai parlé dans un mémoire sur les monuments druidiques du département de la Manche (Ce Mémoire est imprimé dans les archives annuelles de Normandie, de M. L. Dubois, ann. 1824).
          On a trouve entre le château et l'église et au village d'Amont-la-Ville, qui n'en est pas éloigné vers le sud une grande quantité de machefer et les restes des fours dans lesquels on croit que le fer a été fondu. Il est certain que les Romains fondaient quelquefois le minerai de fer d'une
    manière assez imparfaite près de leurs établissements et même de leurs explorations (Reessurvey of south Wales Glanmorganshire, pag. 550.). C'est un fait qui n'a pas échappé à l'attention des auteurs de l'ouvrage intitulé Beauties of England. J'avais traité de fables tout ce que les hommes âgés de Lithaire m'avaient dit du fer qu'on fondait autrefois sur la montagne avec du charbon de bois, et des fours ayant servi à cet usage dont plusieurs d'entre eux avaient vu des restes presque entiers mais en lisant la description historique du comté de Durham dans les Beauties, j'ai été très frappé de la ressemblance qu'il y a entre la tradition de Lithaire et le passage suivant.
          « At Whitchill near Chester the street is a blast furnace which makes iron métal from iron stone dug out of pits in the neighbouring fells. These fells have been very much worked for iron stone (supposed by the Danes when they were in possession of the kingdom) as appears from the great quantity of scoria which is found upon the fells. The method in those times had been to melt the iron-stone with charcoal in a large smith y hearth called a Bloomery and then in another hearth to melt it down again and reduce it to bar iron for all manner of country uses, and when the wood failed they removed their hearths to where it was more plenty, so that evidently they must have blown their blomery bellows lither by hand or with horses or have known the use of air furnaces as the most scoria or cinder is found upon the high grounds where no water could ve obtained. Hutchinson Durham vol. a pag. 398 ; Britton Beauties Durham pag. 188. "
          Une ancienne famille noble du nom de Lithaire, subsistait encore naguères à Laune et à Vély, canton de Lessay, elle portait de gueules à deux fasces d'or accompagnée de six croisettes de même. J'ignore quels rapports elle avait avec le château qui nous occupe, il y avait au moins celui du voisinage.
          J'ai fait dessiner les ruines du château de Lithaire ( voyez les planches de l'atlas ).

     

    [ Ce château possède son article dans ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-lithaire-manche-a130492188 ]

     
    40. BOLLEVILLE.

     

         Cette paroisse, située sur la route de la Haie-du-Puits à Pierrepont, a été le berceau d'un des compagnons de Guillaume-le-Conquérant (Bolvyle, listes de Brompton et de Duchesne). Je n'ai encore pu retrouver l'emplacement de son château. Je signale ce lien comme devant en contenir un.
          Il y avait autrefois dans cette commune une maison de lépreux, fondée en grande partie par les seigneurs de la Haie-du-Puits. J'en possède le cartulaire, ou une copie sur vélin collationnée dans le 15e siècle.
          Cette léproserie a été réunie à l'abbaye de Lessay sous le nom de prieuré de Sainte-Madelaine de Bolleville.
          Il y a dans la lande de Bolleville, quelques retranchements, mais rien ne porte à croire qu'ils aient appartenu à un château du moyen âge.

     
    41. CHATEAU DE LA HAIE-DU-PUITS.

     

         La baronnie de la Haie-du-Puits qui remonte au partage de la Normandie, ainsi que celles de Saint-Sauveur et de Briquebec n'a d'annalles bien constantes et bien suivies que depuis la fondation de l'abbaye de Lessay peu d'années avant la conquête. Turstin Halduc fondateur de ce monastère, était baron de la Haie-du-Puits, ainsi que son fils Odon Capel qui eut une part bien plus grande que lui à la dotation et à la construction de cette maison.
          S'il était ici question de faire l'histoire généalogique d'une famille descendue des anciens ducs de Normandie, et alliée à tout ce qu'il y avait de grand et d'illustre dans la province, d'une famille qui avait largement contribué à la fondation de beaucoup de monastères, qui pour son compte en a fondé ou doté plusieurs dans le diocèse de Coutances qui s'est signalée à la conquête d'Angleterre, et a formé dans ce royaume bien des établissements civils et religieux, je pourrais vous faire un article très-étendu. Les historiens contemporains les cartulaires les baronages d'Angleterre, les histoires des comtes celles de nos diocèses Normands en son remplies ; mais ici je ne dois m'occuper que du château qu'ils habitèrent et de ceux qui le possédèrent après eux.
          Au temps de la fondation de Lessay, les domaines de la baronnie de la Haie-du-Puits, dans le Cotentin seulement doivent avoir été très considérables si l'on en juge par les donations que le fondateur fit à cette abbaye (Gall. Christ. XI, instrumenta dioc. Constant, cart. X - col. 234. – Neust. pia pag. 618 à 621).
          Son fils Odon (cum capello) lui succéda nous avons vu, en parlant de nos monastères quelle part it eut à la construction de l'église de Lessay. Guillaume-le-Conquérant le fit son sénéchal il est connu en Angleterre aussi bien qu'en Normandie, sous le nom latin d'Eudo Dapifer. Il eut de grandes concessions dans les comtés de Sussex, de Surrey, d'Essex et de Suffolk. Ce futl ui qui donna le prieuré de Beaute à l'abbaye de Saint-Étienne de Caen (ibid, inter instrum., col 173). En qualité de grand sénéchal, il signa presque toutes les fondations considérables faites pas son souverain. Son tombeau se voyait encore au commencement de la révolution, dans l'ancien chapitre de Lessay près du cloître ; j'ai dit ce qu'il était devenu (Mem. sur les abbayes du département, article Lessay. ).
          Son fils (ou son neveu) Robert de la Haye, qui vivait au commencement du 12e siècle ratifia beaucoup de donnations faites par ses ancétres et entre autres celle du prieuré de Boxgrave dans le comté de Sussex (Tanner's notitia monastica Sussex - Shoberl Survey of Sussex, pag. 44, 5 mém. sur les abbayes du département de la Manche, voir Lessay).
          Outre ce Robert, il y en avait un autre du même nom qui, quarante ans auparavant, accompagna Guillaume à son expédition d'Angleterre (Masseville I, pag. 301.–Wace, Roman de Rou – Gall. Christ. XI, col. 917. Neustria pia pag. 619). Je ne serais pas surpris que ce fut le frère d'Odon Capel, et le père de celui qui fonda le prieuré de Boxgrave.
    Au milieu du 12e siècle le château qui nous occupe appartenait à Richard de la Haie (Richard et Raoul de la Haie étaient fils de Robert et de Mimel. V. Neustria pia pag. 618 et 19. V. la note troisième au château du Plessis, infr.) il épousa sa parente Mathilde de Vernon, dame de Varenguebec, qui lui apporta en mariage le titre de connétable de Normandie il était auparavant sénéchal de Henri II, Roi d'Angleterre.
    Nous avons vu qu'ils avaient fondé conjointement à Varenguebec l'abbaye de Blanchelande et le couvent de Saint-Michel-du-Bosc. Leurs épitaphes, données par l'auteur du Neustria Pia (verboBlancalanda) marquent le temps de leur mort.
          De leur mariage ils ne resta que des filles, Gillette l'aînée eut la châtellenie de la Haie-du-Puits, qu'elle porta en mariage à Richard, baron du Hommet, qui fut, ainsi que ses descendants, connétable de Normandie (V. sup. à l'article de Varenguebec).
          Leur petite fille, Julienne du Hommet, épousa Robert de Mortemer, qui prit le titre de connétable et mourut en 1277 (V.sup. l'art. Varengnebec.).
          Nous n'avons dans ce département aucune chatellenie qui en tombant plus fréquemment en quenouille se soit plus constamment conservée dans des familles Anglo-Normandes ; celle de Mortemer est la troisième.
          En parlant du château du Hommet, je vous donnerai des détails sur les barons qui en portèrent le nom. Les Mortemer tiraient le leur d'une baronnie de haute Normandie Raoul de Mortemer eut un commandement à la bataille de Hastings, et ses successeurs furent très-puissants en Angleterre (Dugdale Baronage. Collins Peerage, édit. De 1711, tom II ,part. I, pag. 211, 216, part. II, pag. 15 et 21. Banks Extinct. Baronage.) mais revenons à ceux de la Haie-du-Puits.
    Après les Mortemer, je ne sais pas précisément à quelle époque un Campion devint possesseur de la baronnie il en fut privé, en 1353, par le roi de Navarre, Charles-le-Mauvais. Ce prince la rendit ensuite à Mathieu fils de Robert Campion, qu'il en avait dépossèdé. Mathieu Campion mourut sans postérité, après avoir légué cette châtellenie à sa sœur Jeanne ; celle-ci épousa d'abord Henri de Colombières. François de Colombières, un de ses descendants, vendit le 29 juin 1491, la baronnie de la Haie-du-Puits, à Cristophe de Cérisay (Hist. mss. des Grands Baillys du Cotentin n° LV.) seigneur de Vely, qui, peu de temps après, devint grand Bailly du Cotentin. Marie de Cérisay sa fille unique épousa Gaston de Brezé, seigneur de Montmartin qui, par ce mariage, devint baron de la Haie-du-Puits ; Louis de Brezé évêque de Meaux, était baron de la Haie-du-Puits en 1588 : il vendit cette baronnie à Jean de Magneville.
          Artus de Magneville, son fils, qui reconstruisit une partie du château, mourut vers 1616 et fut inhumé au haut du chœur de l'église paroissiale où l'on voit encore son monument dans une niche du côté de l'évangile ( J'y ai copié son épitaphe en 1819).
          En mourant, Artus de Magneville laissa trois garçons et trois filles. Gédéon l'ainé de ses fils (V. Rechercbe de Roissy. - La Chesnée des bois,dictionn. de la noblesse, article de la Haie. Archives du château.) mourut sans postérité, en 1645 : son frère Jacques lui succéda pour la baronnie de la Haie-du-Puits, qu'il vendit, en 1648 à Pierre-Louis Davy de Sortosville celui-ci ne la posséda pas longtemps. Elle fut saisie en décret par Judith le Loup veuve de Gédéon de Magneville, et adjugée en 1652 à Charles Martel, son second mari ; mais après cette adjudication, Louis du Fay, président au parlement de Rouen, mari d'Anne de Magneville, la réclama au nom de sa femme, Françoise du Fay, sa fille unique, épousa, en 1689, Bruno-Emmanuel Langlois de Motteville, président à la chambre des comptes de Rouen et la lui apporta en mariage leur fils François Marie de Motteville, conseiller au parlement de Rouen, posséda après eux cette baronnie qui, en 1742 appartenait encore à Claude Bruno de Motteville.
          Henri marquis de Thieuville l'acheta en 1759 ; mais dix ans après cette acquisition son fils, unique rejetton d'une des plus anciennes familles de la province, étant mort, elle fut revendue au marquis de la Salle, qui en était possesseur à l'époque de la révolution. Elle fut alors vendue par parties en conséquence des lois révolutionnaires.
          Cette baronnie avait été érigée en marquisat par lettres patentes du 11 juin 1656, enregistrées au parlement de Rouen, en 1657, et l'année suivante à la chambre des comptes (Archives du château).
          Les anciens Seigneurs de la Haie du puits avaient la sixième place à l'échiquier de Normandie parmi les Barons du Cotentin.(Masseville hist. de Normandie, tome 3 p. 46)
          J'ai fait dessiner et envoyé à la préfecture les ruines de ce château (Elles viennent d'être dessinées de nouveau par M. De Caumont. (voyez l'Atlas)). Ces ruines sont sur un tertre assez élevé à l'entrée du bourg sur la route de Saint-Sauveur-te-Vicomte.
          En voyant l'état très-avancé de ta décadence de ce château on ne se doute guères qu'il a été habité il y a moins de soixante ans par ses possesseurs. Cependant rien n'est plus constant : madame la marquise de Thiboutot et madame d'Octeville filles du feu marquis de Thieuville, y ont passé des étés entiers et m'ont souvent donné des détails sur ce grand édifice qui pouvait bien offrir un beau sujet pour le dessinateur mais qui n'en était pas moins une habitation fort incommode. Tout on presque tout y avait été sacrifié au besoin de s'y défendre contre les ennemis ou d'y réunir des assemb!ees très nombreuses. De là ces tours ces paginons ces crénaux ces ponts-levis ces corps avancés l'énorme épaisseur des murailles, l'irrégularité des distributions intérieures de là cette immense salle qui occupait presque entièrement le rez-de-chaussée. Il était facile d'apercevoir que ceux qui l'avaient construit ou réparé avaient plus connu les guerres du moyen âge et les guerres de religion que les commodités de la vie. Ceux qui voient aujourd'hui de pareils édifices, ceux qui les habitent, ne songent pas assez qu'ils doivent leur bizarrerie apparente plutôt à la nécessité et l'expérience qu'aux caprices de la mode.
          Les parties les plus pittoresques du château étaient du temps des Magneville. Sur la porte principale on voyait leurs armes, et au-dessus de l'écusson cette inscription en caractères du seizième siècle : Artus de Magneville et Judith aux Epaules, servez Dieu, honorez le Roi.
    Je n'ai pas connaissance de sièges soutenus par ce château. On sait que depuis 1418 jusqu'en1450 les Anglais furent maîtres de la Normandie. Par des titres communiqués j'apprends que durant cette occupation la Baronnie appartenait au duc de Bedford. Le château est compté parmi les forteresses que le comte de Richement reprit
    aux Anglais en 1449. (Hist. d'Artus comte de Richemont par Gruel, p. 139)
          La mémoire du baron Judion (Gëdéon de Magneville) n'est pas tout-a-fait perdue. Il figure encore beaucoup dans les anciennes traditions du bourg le nom de son père y est à peine connu quoique son monument soit conservé, et son épitaphe très lisible.
          La Haie-du-Puits relevait anciennement du comté de Mortain avec titre de Châtellenie et de Baronnie entière. En 1399 la juridiction s'étendait aux paroisses de Montgardon Angoville, Saint-Germain et Bretteville-sur-Ay, Saint-Symphorien, Saint-Nicolas de Pierrepont, Baudreville, Varenguebec, Neufmesnil, Mobec, Bolleville, Doville, Saint-Côme, Prëtot, Saint-Jores, Vely, Sainte-Opportune, Gatteville, Réville, Saulxemesnil, Morfarville, Gréville, Besneville et Saint-Maurice. Il y avait encore alors à la Haie-du-Puits deux marchés par semaine, le mercredi et le samedi. Il y a longtemps que le dernier a été supprimé. Le revenu avait été beaucoup diminué par les donations faites dans les 11e, 12e et 13e siècles par des partages entre sœurs et par des aliénations.
          En 1700, M. Foucault, Intendant de la généralité de Caen n'en estimait plus les revenus qu'à 15 000 f. et dans ce nombre il y avait une grande quantité de rentes seigneuriales.
          Les Magneville portaient de gueule à l'aigle à deux têtes d'argent. Les Cerisay d'azur au chevron d'argent à trois croissants d'or.

     

    [ Ce château possède son article dans ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-la-haye-du-puits-manche-a130018134 ]

     
    42. OMONVILLE-LA-FOLIOT.

     

         Topographiquement parlant ce serait ici la place de Bolleville que j'ai mis avant la Haie du Puits. Il est constant que cette paroisse est sur la route de la Haie-du-Puits mais ces transpositions qui peuvent tout au plus donner un peu plus de peine a ceux qui cherchent sur la carte, n'ont besoin que d'être indiquées. Je m'empresse de le faire pour celle ci.
          Au reste Omonville la seule paroisse qui puisse nous ramener de ce côté, n'a pour attirer notre attention qu'un surnom attaché à la conquête. Ce surnom de Foliot suffit-il pour motiver la recherche d'un château parce qu'il se trouve dans presque toutes les listes de cette expédition ? (V. Brompton apud Angliae script. et Duchesne si souvent cités)

         Je sais que ce nom figure beaucoup en Angleterre et dans plusieurs des Cartulaires de Normandie. Il est clair que le surnom d'Omonville lui vient d'un Seigneur qui s'appelait Foliot. L'acte de fondation de l'abbaye de Lessay en fait foi Ex dono Rogerii Foliot... Ecclesiam de Omonville. (Neust. pia p. 621. Gal. Christ. col. 237) Gilbert Foliot Evêque de Londres (Godwin de presulibus Angtiae, Thierry, hist. de la conquête, tome 2 p. 412 et seqq. 431 -Tome 3 p. 51) depuis 1163 jusqu'en 1187 fut un des plus actifs instruments du Roi Henri II contre St. Thomas de Cantorbéry. La douzième année du règne de Henry II, Robert Foliot déclara 15 nefs de chevaliers que sa famille avait possédés en Angleterre depuis la conquête. (Bancks extinct. Peérage tome I. p. 84. From. Dugdaie. il portait de gueules à la bande d'argent. Une autre branche établie dans le comte de Dorset portait d'argent à trois pals de gueules au franc quartier. Senestre de gueules. Hutchins Dorset, tom II. p. 463) Plusieurs Seigneurs de ce nom,qui sont nommés dans le baronnage éteint de Bancks possédèrent des emplois considérables en Angleterre. Il est probable qu'ils étaient dela même famille que ceux du Val-de-Saire dont j'ai parlé aux articles de Barfleur d'Anneville et de Monfarville. Mais avaient-ils un château à Omonville c'est ce que je n'ai pas encore pu vérifier, et ce qu'il n'est pas inutile de rechercher. "

    Charles de Gerville 

     

    [ Ce château est évoqué dans un article de ce blog à cette adresse : http://rempartsdenormandie2.eklablog.com/les-remparts-d-omonville-manche-a210695090 ]

     

    Pour les autres châteaux de l'arrondissement de Coutances, voir les cantons de Perriers, de Lessay, de Saint-Malo-de-la-Lande, de Saint-Sauveur-L'Endelin, de Coutances et de Montmartin-sur-Mer, aller ici. [NdB]

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