• ANCIENS CHATEAUX DE LA MANCHE PAR GERVILLE - ARR. SAINT-LÔ [2]

    [Suite de l'arrondissement de Saint-Lô. On trouvera ici les cantons de Saint-Clair, Saint-Lô et Canisy.

     

    Pour revenir aux précédents cantons de Percy, Tessy et Torigny, aller ici. [NdB].

     

     CANTON DE SAINT-CLAIR.

     

    115. CHÂTEAU DE SEMILLY.

     

         Peu de places dans le département méritent autant l'attention des antiquaires que celle ou fut jadis ce château dont il reste encore beaucoup de traces et par un rare bonheur aucune peut-être n'a été étudiée par des observateurs plus exercés et plus savants. Il suffit de nommer MM. Toustain de Billy et Beziers qui ont fait de profondes recherches sur le Cotentin et le Bessin mais trop préoccupés l'un et l'autre de l'idée d'une origine romaine, ils lui ont sacrifié le château du moyen âge.
         Une route romaine qui venait du canton d'Isigny, et qu'on peut suivre par Saint-Jean-des-Baisants, les
    pierres de Torigny et Etouvy, près de Vire, passait près du presbytère et du château actuel de Semilly un peu au couchant du château-fort.
         Je me contenterai d'indiquer sommairement ce qu'ont dit les deux antiquaires dont j'ai parlé.
         J'y ajouterai quelques renseignements particuliers que m'a fournis M. l'abbé de La Rue ou que j'ai recueillis dans des ouvrages imprimés.
    Vers la fin du 17e siècle on trouva beaucoup de médailles romaines près du château de Semilly.
         M. l'abbé de Billy qui les vit alors (
    Il mourut curé du Mesnil-Opac en 1709) dit qu'elles étaient du Haut Empire et qu'on y en trouvait souvent de semblables. Il en conclut trop facilement qu'il y avait eu là une ville romaine qu'on appelait dans ce quartier le vieux Saint-Lô. Il présuma que ce pouvait bien être l'emplacement d'Augustodurum (Hist. manusc. de Saint-Lô, sub initio).
         Environ soixante ans après la mort de l'historien de Saint-Lô, celui de Bayeux vint faire une étude bien plus approfondie du château de Semilly et des environs II lui consacra un mémoire ex-professo qui parut en 1762 dans le journal de Verdun (
    Cette pièce importante fut réimprimée dans la nouvelle recherche de la France, tom. I, p. 255-274. Je cite d'après cette réimpression).

         Ce mémoire contient des détails très curieux fruits, d'une recherche scrupuleuse faite sur les lieux et dans le chartrier du château.
         Malgré ces recherches, on voit que l'idée d'une station antérieure au moyen âge domine l'auteur de ce travail, dans lequel on peut d'ailleurs puiser des notions intéressantes relativement a l'état du château au moment ou l'abbé Béziers écrivait.
         En voici une courte analyse pour ceux qui ne seraient pas à portée de consulter l'ensemble.
         «
    La tradition d'accord avec les vestiges d'antiquités qu'on voit à Semilly prouve qu'il y avait en ce lieu sinon une ville, comme on le croit, au moins une habitation considérable. "
          Entre les étangs il y a une chaussée par où l'on allait à Torigny et à Vire.
         La partie autour du château s'appelait le bourg. Il y avait une vingtaine de maisons.
         Les terres voisines du bourg avaient le privilège de franche bourgeoisie.
         L'église dont quelques parties sont fort anciennes, avait été bien plus grande.
         Il y avait anciennement à Semilly un hôpital où l'on recevait les pauvres et les passants. A l'est du bourg était le gibet.
         " Les voûtes et une galerie pratiquée dans l'épaisseur d'un des remparts sont cintrées. Tout près du château vers l'Ouest, y a une deuxième enceinte qui se continue le long du fossé vers le Nord et forme une figure à peu près ovale ayant environ cinquante-quatre toises de longueur sur quarante sept de largeur. Elle était défendue par un fossé large et profond, et avait été entourée de murs dont il restait encore au Sud une portion épaisse de neuf pieds sur plus de trente pieds de hauteur... » On en voyait aussi quelques vestiges parmi les levées de terre du côté opposé.
         Quand on y creusa il y a quelques années des fosses pour planter des arbres on trouva beaucoup de fondations.
         Etait-ce un camp ou une ville ? On parle de plusieurs portes entr'autres de celles de Sainte-Suzanne, de Saint-Lô et de la Fosse (
    Ce dernier mot signifie souvent voie romaine).
         « Des titres fort anciens font mention des rues Haute et Basse des rues Roche, de la ville de Saint-Pierre et de la Fontaine (
    J'omets ici ce qui a rapport à des chaussées romaines signalées vaguement. Ce n'est pas ici le lieu d'en parler j'aurai occasion de revenir sur ce sujet important.). »
          De tous ces détails dont je viens de donner la substance l'historien de Bayeux tire une conclusion que j'étais loin d'attendre.
         "
    Mon opinion dit-il, est que c'était une ville bâtie par les Gaulois, et qu'étant tombée au pouvoir des Romains ils y ajoutèrent des fortifications de pierre dont il reste tant de traces et en firent peut être une station militaire p. 269. »
          Je ne partage pas cette opinion bien que je sois convaincu du passage d'une voie romaine par Semilly voici mes raisons :
          Le château, le bourg qui l'environnait, les noms des rues et des portes, le gibet, beaucoup d'autres circonstances rapportées par l'auteur du mémoire annoncent un château du moyen âge.
          Le voisinage d'une station que fauteur indique à Couvains d'après l'abbé Lebeuf milite fortement contre lui les documents du temps de nos rois anglo-normands attestent que sous leur domination il y avait à Semilly un château fort et considérable. M. Béziers convient même qu'il fut confisqué au commencement du 13s siècle sur un comte de Chester alors il me semble bien plus simple de rapporter cet établissement au moyen âge que d'aller lui chercher une origine gauloise ou romaine.
          On pourrait m'objecter les médailles qu'on y a souvent découvertes mais si, comme je n'en doute pas, Semilly était sur une voie romaine, il est tout simple qu'il y ait existé des habitations gallo-romaines et conséquemment des médailles.
          On objecterait peut-être aussi le plein cintre de quelques voûtes et les parties obliques de la maçonnerie. Ma réponse est facile. Les anciennes arches de l'église sont également semi-circulaires, et la maçonnerie oblique n'était pas rare au temps de la conquête les seigneurs de Semilly qui vivaient à cette époque ont pu comme cela arrivait fréquemment alors, bâtir l'église et commencer le château.
         Je dis commencer car il eut bientôt des propriétaires tout autrement puissants. Depuis Henri II jusqu'au retour de la Normandie sous la domination française il fut occupé par des rois d'Angleterre et par Ranuif, comte de Chester, le plus puissant des barons de ce temps.
          M. l'abbé de La Rue a la preuve que le fameux Richard-Coeur-de-Lion a souvent habité le château de Semilly. Jean qui lui succéda soupçonnait beaucoup la fidélité du comte de Chester qui en était gouverneur voilà probablement pourquoi dans l'itinéraire de ce prince on voit souvent qu'il est venu dans les châteaux voisins, tels que ceux de Vire de Torigny de Bur de Saint-Lô et même de Trégoz tandis qu'on ne le voit jamais à Semilly.
         Outre l'autorité de cet itinéraire l'opinion, de notre savant confrère est confirmée par Dédale et Collins (
    Collins Peerage, édit. de 1711, tom. II, part. l, p. 60. " In the 5d year of John he (Ranulf) was governor of tte castle ot Semilly in Normandy though somewhat distrusted by the King. " ). La troisième année du règne de Jean, Ranulf était encore gouverneur du château de Semilly quoique suspect a ce roi « Though the somewbat mistrusted him. " C'était pourtant le plus puissant des barons anglo-normands opposés au parti français en Angleterre.
    M. de La Rue a bien voulu me communiquer des notes sur quelques autres gouverneurs du château de Semilly.
         Thomas Malfillastre occupait cette place immédiatement avant le comte de Chester et la conserva jusqu'au 2 septembre 1202.
         L'année suivante les défiances du roi à l'égard du comte de Chester s'augmentèrent. Afin de le surveiller de plus près, Jean vint résider au château de Vire. Ranulf alla pour s'y justifier mais Chaucombe et à Robert de Trégoz pour se rendre au château de Semilly dresser un état de ce qu'il contenait,se faire remettre la forteresse, s'y établir avec leurs familles et prévenir ce qui pourrait nuire aux intérêts du roi. Peut on les regarder comme des gouverneurs ?
         Enfin après des précautions et des défiances excessives le roi rendit sa confiance au comte de Chester, il envoya des ordres à H. de Chaucombe pour réinstaller le comte Ranulfe dans son gouvernement de Semilly dont il fut bientôt dépossédé par Philippe-Auguste.
         Tel fut le terme de la plus haute importance de ce château où plusieurs rois d'Angleterre, Henri 1er, Henri II et Richard-coeur-de-Lion avaient quelquefois séjourné et d'où ils avaient daté plusieurs chartres dont M. de La Rue a connaissance.
         Les pans de murs que j'ai vus sur Remplacement de ce château attestent qu'il fut démoli.
          Le domaine qui en dépendait rentra dans la classe de ceux qui, dans la suite furent sous-inféodés à différents seigneurs. La révocation de ces concessions pouvait avoir lieu à des époques particulières.
         Ce fut ainsi que St.-Louis donna la seigneurie de Semilly en fieffe à Charles de Parfouru vers le milieu du 13e siècle pour une rente qui a été payée par M. de Mathan jusqu'à la révolution.

         En 1330, cette seigneurie entra dans la famille de Mathan par le mariage de Jeanne, fille et héritière de Richard de Parfouru avec Jean de Mathan l'un des ancêtres du possesseur actuel, M. le marquis de Mathan pair de France. C'est probablement à Jean de Semilly qu'on doit les premières constructions du château et celles de l'église. En 1096, il signa, en qualité de témoin une chartre d'Odon, évêque de Bayeux, en faveur du monastère de Ste.-Bénigne à Dijon.
         Le nom de Semilly se trouve dans quelques listes de la conquête d'Angleterre (
    Masseville tom. I, p. 205. Chroniq. de Le Megissier p. 111. – Wace, rom. de Rou, Hallingshed, Talleur, Dumoulin), j'ignore si c'était celui de Guillaume dont je viens de parler mais, au moins il figure dans deux chartres données vers 1082, son nom s'y trouve immédiatement après ceux de l'évêque Odon et de Roger de Montgomery (Monast. anglic. p. 1006. Rom. de Rou, tom. II ( note de M. A. L. P.)).
         Une héritière de ce seigneur épousa un Duhommet c'est à cette nouvelle famille qu'il faut rapporter Guillaume de Semilly qui vivait sous le règne de Henri II.

     

    [ Ce château possède son article dans ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-saint-pierre-de-semilly-manche-a126607574 ]

     
    116. CHÂTEAU DE SAINT-CLAIR.

     

         Le nom de de Saint-Clair (ou Seynt Cler) se trouve dans presque toutes les listes de la conquête (Seynt Cler. Brompton, - Duchesne et de St. Clair. Roman de Rou.). C'est incontestablement celui d'un seigneur du chef-lieu du canton ou est situé Semilly comme le démontrent les alliances de ses successeurs et les fondations qu'ils ont faites. Les Sinclairs d'Ecosse et notamment le comte de Caithness font remonter leur origine à cette famille.
          On voit dans le Cartulaire de Savigny des chartres adressées à Mathilde fille de Henri Ier par Guillaume de Saint-CIair qui lui demande la confirmation de donations faites à ce monastère dans les communes de Villiers-Fossart et de la Meauffe. Villiers touche à Saint Clair et la
    Meauffe est contiguë à Villiers. Les biens ainsi donnés par lui lui appartenaient dès le temps de Henri 1er. Les chartres sont du temps de ce roi, et l'on voit que les querelles du comte d'Anjou et d'Etienne de Blois n'existaient pas encore (
    Cartul. Saviniac. Cart. XV, XVI, XVII, XIX et XX).
         Richard, second fils de Robert de Caen comte de Glocester, seigneur de Creully et de Torigny épousa la fille et héritière de ce Guillaume qui avait fondé en 1139 le prieuré de Villiers auprès de Saint-Clair (
    Cartul. Saviniac. – Beziers. Nouvelles rech. de la Fr., Mém. sur Creully). Richard de Creully le troisième de ses fils fut le chef de la famille Creully-Saint-Clair, conjointement avec Philippe son frère ainé. Ce Richard donna à l'abbaye de Cerisy le patronage et la dîme de Saint-CClair. En 1190, il assista à la dédicace de l'église abbatiale d'Aunay et souscrivit à des donations faites à cette abbaye (Gall. Christ. XI, in Strum. col. 91. Neustria pia, p. 61).
          La famille de Creully a possédé durant plusieurs siècles la seigneurie de Saint-Clair ; elle n'en fut même pas dépouillée par les Anglais dans le 15e siècle. En 1424, Gilbert de Creully y fut maintenu par le roi d'Angleterre. Deux ans plus tard, Thomas de Creully, était, sous le même roi, capitaine du château de Neuilly-l'Evêque.
          Henri de Creully était seigneur de Saint-Clair en 1465 (
    Rech. de Montfaoucq) il y avait encore alors des Creully à Airel et à Moon dans le même canton.
          Dans la recherche de Roissy (en 1598) on trouve Daniel de Creully, sieur de la Motte à Saint-Clair, un seigneur de Lison et un seigneur de Saint-CIair tous de la même famille.
          Ces Creully portaient
    d'argent à trois lionceaux rempants de gueules. Suivant Dumoulin, qui donne les mêmes armes au sire de Creully, Richard brisait d'un lambel d'azur, de même que Henri de Saint-Clair qui était, je crois un Creully (Armorial de Chevillard. Dumoulin, p. 11).
         Je pourrais continuer la liste des seigneurs de Saint-Clair jusqu'à la révolution mais le derniers n'eurent jamais de rapports avec l'ancien château.
          Jusqu'à présent mes recherches pour découvrir l'emplacement de ce château m'ont rien appris de positif. Je ne puis offrir que des conjectures ou des indications incertaines quoique j'aie étudié avec beaucoup d'attention les environs de l'église.
          Près du moulin et du presbytère, en arrivant de la route départementale j'ai observé deux pointes de terre formant des élévation semblables à d'autres ou j'ai souvent reconnu des emplacements de forteresse. Celle du moulin est à l'extrémité d'un terrain nommé la
    Croûte ; l'autre s'appelle le Parc.
          Un peu plus loin le nom de la terre de la Motte m'a semblé indiquer des retranchements ou un tertre, Mais je n'ai rien pu y découvrir.
    Il y aurait bien encore des indications du même genre sur la rente de Saint-Clair à Couvains mais elles sont peut-être plutôt romaines que du moyen âge. Le canton de Saint-Clair était traversé par un grand nombre de voies romaines tous ses anciens châteaux se trouvent, sous ce rapport, dans le même cas que celui de Semilly.


    117. CHÂTEAU D'AIREL.

     

          Ce château, connu sous le nom de Mesnilvité, et situé sur un terrain bas et uni, près de l'ancien pont de Saint-Louis, sur la Vire, tirait sa principale force des eaux dont on pouvait l'entourer. Il ne parait remonter qu'aux derniers temps de l'architecture gothique, époque où les châteaux étaient plus ornés que fortifiés. Ses grandes tours, son donjon, ses crénaux avaient quoique chose d'imposant ; ses ruines mêmes, plus respectées par le temps que celles de la plupart des châteaux forts peuvent servir à donner une idée des habitations où les seigneurs du 16e siècle cherchèrent à unir la beauté à la force.
          Les dépendances du Mesnilvité étaient fort étendues dans la commune d'Airel et dans celles des environs. Au 16e siècle, l'ensemble de ce domaine appartenait à M. d'Achier. D'après la recherche de Roissy, en 1598, Henri Achier fils Jean, seigneur du Mesnilvite habitait ce château. Cette famille portait
    d'azur à la face d'argent accompagnée de trois écussons d'or.
          Le dernier d'Achier du Mesnilvité ne laissa que deux filles, l'une épousa M de Segrais ; l'autre se maria au président de Croisilles et ayant hérité de sa sœur, elle donna ses biens à son mari. Celui-ci étant mort sans enfants eut pour héritières ses sœurs desquelles sont issus les propriétaires actuels du Mesnilvité (
    Les Creully de St.-Clair possédaient le Mesnilvité avant les d'Achier).
         Pendant la révolution on a détruit toutes les armoiries du château et l'on a démoli deux tours qui étaient couronnées par des plateformes entourées de créneaux.

     

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    CANTON DE SAINT-LÔ.

     

    118. CHÂTEAU DE SAINT-LÔ.

     

         En parlant de nos anciens châteaux j'ai toujours passé plus rapidement sur ce qui regarde ceux de nos villes. Presque
    toutes ont leurs histoires, leurs traditions ou leurs annales tandis que nos communes rurales n'ayant attiré l'attention de personne, tout ce qu'on peut recueillir de leur illustration a le mérite de la nouveauté.

           Les villes de Saint-Lô et de Coutances ont eu des historiens recommandables et fort instruits ; j'ai extrêmement abrégé ce qui a été dit de Coutances parce que je n'ai pas reconnu s'il y avait eu réellement un château distinct de la cité. A Saint-Lô au contraire l'existence du château a devancé celle de la ville elle en a été indépendante depuis son origine, au temps de Charlemagne, jusqu'au règne de Henri IV et peut-être postérieurement.
         L'histoire manuscrite de Saint-Lô par M. l'abbé de Billy, est connue depuis plus d'un siècle (l'auteur est mort en 1709) ; elle est appuyée de preuves puisées aux meilleures sources mais le recueil des historiens de France n'existait pas quand elle fut composée. Je ferai usage de ce que j'ai trouvé dans ce recueil, tout en reconnaissant que je dois beaucoup à L'historien de Saint-Lô.
          Saint-Lô n'existait pas au temps des Romains. La route de Coutances à Bayeux en était éloignée d'une lieue. Son ancien nom de Briovère ne signifie pas, comme on le croit généralement,
    pont sur Vire, mais pointe de terre ou élévation sur une rivière. Ce nom fut changé après la mort de St.-Lô, évêque de Coutances qui en était seigneur. Charlemagne y fit construire une forteresse quand il visita les cotes septentrionales de la France et fortifia les embouchures des rivières pour garantir le pays contre les incursions des Normands (Annal. rerum francicar. apd. Bouquet, collect., tom. V, p. 52 - Annal. Reg. Franc., ibid. 214. – Neust. pia, p. 836.).
          A la fin du 9e siècle qui avait commencé par la construction du château de Saint-Lô les Normands en firent le siège. Les retranchements élevés par Charlemagne leur opposèrent une résistance invincible mais Rollon, chef des Normands fit couper un aqueduc qui portait l'eau dans la forteresse, et dans peu de jours la soif fit ce que la force n'avait pu faire ; la garnison capitula et les ennemis maîtres de la place violèrent la capitulation ; ils égorgèrent ceux auxquels ils avaient promis la vie. Les fortifications furent démolies (
    Gesta Normann. – Apd. Duchesne. - Rerum Normann. Script., p. 6.– Regino. Ibid., p. 13. - Annal. Bertin, apd. Bouquet VIII, p. 88) castrum solo coœquatum. Pendant deux siècles après ce désastre l'histoire ne parle plus de ce château. II est cité parmi ceux que Henri comte de Cotentin, fils de Guillaume-le-Conquérant, fit fortifier en 1090.
          Geoffroy PIantagenet, comte d'Anjou l'enleva en 1141 aux partisans d'Etienne de Blois (
    Job. Monac. majoris monast., hist. Gauffridi com. Andeg. – Rec. des hist. de Fr., tom. XII, p. 1533).

          Depuis cette époque jusque la réunion de la Normandie à la Couronne, il n'est pas parlé de Saint-Lô dans nos Annales, militaires de la Normandie. Je vois seulement que le roi Jean-sans-Terre y passa le 12 décembre 1202 (Itinér. Johannis régis. Archeol. Londins, tom. XXII).
    Le château se rendit sans résistance (
    sponte sua) à Philippe-Auguste en 1203 (Philipp. rec. des histor. de Fr. tom. XVII, p. 212).
          Depuis ce temps jusqu'au milieu du siècle suivant, Saint Lô fut heureux et tranquille. En 1346, il fut prit sans coup férir par le roi Édouard III. L'historien Froissart, qui vivait alors, parle beaucoup de la richesse de la ville mais il ne dit rien du château. Il y avait alors dans cette ville huit à neuf mille habitants que Ie commerce avait beaucoup enrichis et, que les Anglais ruinèrent en un instant.
         Dix ans plus tard, le duc de Lancastre vint descendre à la Hougue avec une armée destinée à secourir le roi de Navarre et d'autres alliés de l'Angleterre. D'après une note tirée de Robert d'Avesbury (
    Froissart de Buchon, tom. III, p. 138-139) on peut reconnaître avec exactitude les séjours de son armée depuis Montebourg jusqu'à Torigny. On voit que le jour Saint-Jean-Baptiste, il passa devant la forte ville de Saint-Lô et arriva à Torigny, où il séjourna le lendemain.
          Suivant une note que m'a communiquée M. Guiton de la Villeberge, M. Herpin, sire d'Erquery, était alors capitaine de Saint-Lô, II avait sous ses ordres deux chevaliers vingt-sept écuyers et dix-sept archers à cheval (
    Extrait d'un compte des gages des gendarmes qui servirent en 1355, 6 es parties de Caen, Constantin etc).
          En 1377 et les années suivantes, il se fit dans le Cotentin un grand rassemblement de troupes françaises destinées à réduire les forteresses que le roi de Navarre occupait dans ce pays. Saint-Lô fut le rendez-vous de ces troupes et le quartier-général du sire Bureau de la Rivière, premier chambellan, du roi Charles V (
    Grands offic. de la Couronne, tom. VIII, p. 207).
          Le 28 mars 1417 (18) Jean Tesson et Guillaume Carbonnel, capitaines de Saint-Lô rendirent le château au duc de Glocester (
    Rymer, act. public. Rolles norm., tom. I, p. 253). Les Anglais conservèrent cette place jusqu’en 1449 ; elle leur fut reprise au mois de septembre par les troupes, du connétable de Richement. Guillaume Poitou en était gouverneur pour le roi d'Angleterre et avait sous lui une garnison de deux cents, hommes (Vie du connétable de Richemont, par Gruel ; Berry Montrelet, Chartier), nombre égal à celui qui s'y trouva en 1441, quand Geoffroy Plantagenêt s'en empara.
          Pendant que les Anglais étaient en possession du château de Saint-Lô, Reginald West, capitaine de cette place, pour le roi Henri VI, reçut de ce prince pouvoir d'accepter les soumissions de ceux qui voudraient reconnaître la domination anglaise.
          En 1465, Saint-Lô fut donné avec la Normandie, par Louis XI, au duc de Berry son frère. Peu de temps après le roi s'en remit en possession.
          Sous le même règne on vit à Saint-Lô pendant quelque temps, le duc de Clarence et le fameux comte de Warwick surnommé le faiseur et le défaiseur de rois. Cette ville et celle de Valognes leur avaient été assignées pour leur résidence et celle de leur suite.
          Depuis ce temps jusqu'au milieu du siècle suivant rien ne troubla la tranquillité de Saint-Lô mais peu après 1550, les Calvinistes y excitèrent beaucoup de trouble et y ramenèrent tous les malheurs de la guerre. On sait combien ils firent de mal dans toute la Normandie en 1562 ; cette année fut fatale à la ville de Saint-Lô, ils s'en emparèrent, et après avoir comme dans bien d'autres lieux, pillé ou brûlé les églises les établissements publics et les maisons des particuliers ils en firent le boulevard de leur parti dans le Cotentin et commencèrent à en rétablir les fortifications.
          Les Bretons, sous les ordres du compte d'Etampes, les en chassèrent à la fin de 1562 mais sous prétexte de représailles contre les Huguenots, ils firent aussi beaucoup de mal à la ville. Le comte de Montgommery les força à l'abandonner l'année suivante.
          Peu de temps après, elle fut rendue au roi en conséquence d'un édit de pacification, mais reprise et rendue de nouveau en 1570.

          Le comte de Montgommery, échappé au massacre de la Saint-Barthélemy alla en Angleterre solliciter des secours pour les protestants, tandis que le seigneur de Colombières préparait les personnes qui appartenaient à ce parti, en Normandie à se réunir aux renforts qu'il attendait d'Angleterre.
          Au commencement de 1574, Montgommery vint descendre dans la presqu'ile du Cotentin avec une petite armée à laquelle se joignirent les protestants du pays. Il se saisit de Saint Lô et de Carentan dont il fit rétablir les fortifications avec beaucoup d'activité et de travail.
          Cependant le comte de Matignon chef des catholiques de la Basse-Normandie, n(avait aucune force à lui opposer ; mais bientôt, les renforts qu'attendait du gouvernement arrivèrent et il se vit à son tour maître de la campagne.
          Trop faible pour lui tenir tête Montgommery distribua ses troupes dans les places fortes et resta à Saint-Lô avec une garnison nombreuse et aguerrie. Matignon ne tarda pas à investir la place ; mais Montgommery, soit qu'il craignit d'y être forcé, soit qu'il espérât pouvoir rassembler assez de forces pour faire lever le siège de Saint-Lô, en sortit furtivement avec peu de monde et laissa le commandement au brave Colombières.
          Averti a temps de cette évasion, Matignon ne lui laissa pas le temps de respirer et il le força à se jeter précipitamment dans le château de Domfront, ou il ne put tenir contre une attaque sérieuse et bientôt il fut forcé de se rendre.
    Le comte de Matignon revint avec sa troupe et son prisonnier presser le siège de Saint-Lô, et l'emporta d'assaut le 10 juin 1574. Colombières fut tué sur la brèche en combattant vaillamment. Le siège avait duré six semaines. Les troupes royales montèrent à l'assaut par l'endroit le plus escarpe, en face de l'hôpital.
         On conçoit aisément combien Saint-Lô était aisé à fortifier de ce côté, mais on ne peut guère se faire une juste idée des fortifications qui existaient alors du côté de la préfecture. Les deux tours que nous y voyons ne furent bâties que postérieurement par le maréchal de Matignon.
         Des recherches sur les fortifications qui défendaient la place de ce côté nous mèneraient trop loin. Je ne puis que renvoyer à l'ouvrage de l'abbé de Billy qui est plein de détails.
          Peu d'années après la prise de Saint-Lô, le maréchal de Matignon acheta de l’évêque de Coutances la baronnie de Saint-Lô qui avait toujours fait partie du revenu de l'évêché. Artus de Cossé, alors évêque avait été extrêmement maltraité dans cette ville ; dont la plupart des habitants étaient protestants. Le souvenir des outrages qu'il y avait soufferts et la crainte d'y en essuyer d'autres peuvent expliquer jusqu'à un certain point l'échange désavantageux qu'il en fit.
          Quoi qu'il en soit, c'est probablement à ce marché que Saint-Lô doit ses dernières fortifications, dont il ne reste plus que deux tours une dans le jardin de la Préfecture, l'autre près de la rampe entre la prison neuve et Torteron.
          Les constructions du maréchal de Matignon utiles quand il les fit élever avaient depuis longtemps cessé de l'être. Les guerres qu'il avait prévues n'arrivèrent pas celles qu'il termina avaient d’ailleurs été assez longues et assez sérieuses pour justifier sa prévoyance. Ce qui reste à Saint-Lô de ses travaux mérite encore d'être étudié par ceux qui cherchent à éclaircir par des monuments les diverses époques de l'architecture militaire.
          Sous le règne de Philippe-Auguste, l’évêque de Coutances, comme baron de Saint-Lô devait au roi le service de cinq chevaliers ; ce service était fait en son nom par les seigneurs de Saint-Gilles, de Gourfaleur de Courcy, de Saint-Ouen à Baudre, de Soule et d'Aigneaux (
    Liber feodorum Philippi regis Aug. penès nos, p. 7.).
          Je crois que cette indication pourra conduire à la découverte de quelque nouvel emplacement d'ancien château surtout dans les communes de Saint-Gilles, Aigneaux et Baudre qui ont donné leur nom à de très anciennes familles.
          En face du château de Canisy dont j'aurai bientôt occasion de parler au bord de la vallée qu'arrose la petite rivière d'Aure entre le bois et le moulin de Saint-Gilles, on montre encore l’emplacement de l'ancien château de Saint-Gilles on y voit quelques restes de fondations.La vallée contigüe fut jadis barrée par une écluse dont la trace est apparente, et qui servait peut-être à inonder de ce côté les approches du château vers le levant mais je ne vois pas bien comment on pouvait tes empêcher des autres côtés. Ce château marqué dans la carte du diocèse de Coutances sous le nom de maison de Saint-Gilles appartenait, avant la révolution a M. le marquis de Faudoas possesseur du château de Canisy.

     

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    119. CHATEAU DE BON-FOSSE.

     

          Ce nom (Quatre paroisses de ce quartier en portent le surnom ; ce sont Saint-Martin, Saint-Sauveur, Saint-Samson et Saint-Evremond-de-Bon-Fossé.) indique le passage d'une voie romaine ; mais je ne dois pas m'en occuper ici.
          Les évêques de Coutances avaient au Bon-Fossé dès le 11e. siècle un château et un parc considérable. Ils ont conservé cette seigneurie jusqu’à la révolution. Leur château était : fortifié ainsi que ceux du moyen âge. Beaucoup de nos évêques y ont fait leur résidence. Un grand nombre de leurs chartres sont données
    apud bonum Fossatum, seu Motam episcopi. Les fossés, les remparts, les ruines même du château de la Motte semblent attester le lieu où fut cette résidence et la grande enceinte qui n'en est pas éloignée paraît montrer l'emplacement du parc mais comme on a élevé quelques doutes sur leur position je vais tâcher de l’établir sur les titres ou réalignements que j'ai examinés.
          D'abord, il en est parlé dans une chartre de 1056 donnée en faveur de la cathédrale de Coutances, par le duc Guillaume, à l’époque de sa consécration. Bon-Fossé n'y est pas désigné comme donation du prince, mais comme une ancienne propriété dont il confirme la possession. L'abbé de Billy qui fit cette observation et qui habitait dans le même quartier, lui donne souvent, d'après les anciens actes, le nom de Motte à l’évêque, et le pace toujours à Saint-Evremond (
    Hist. Manusc. des évêques de Coutances, penès nos p. 487 et suiv.).
          Dans l'Histoire contemporaine de la fondation de !a cathédra!e qui se trouve dans le livre noir de l’évêché et dont les éditeurs de Gallia Christiana ont fait Usage (
    Gall. Christ. XI instrum. eccl. consta.), on voit que le parc de Geoffroy de Montbfay était à Saint-Ebremond-de-Bon-Fossé. « Aliud quoque nemus quod est in parochia sancti Ebremondi industria summa censuque proprio redemit ibique parcum opulentissimus cervis et apris tauris et vaccis et equis constituit. »
          L’abbé de Billy qui rapporte un grand nombre Chartres, de chartres des évêques de Coutances, datées
    apud bonum Fossatum, apud Motam Episcopi, ne fait aucune différence entre ces deux noms (Man. Hist. des évêques de Coutanc., passim).
          4°. Enfin le même auteur, en donnant un détail très circonstancié sur la reconstruction du château de la Motte par Geoffroy Herbert, ne balance pas à dire que c'était l'ancien château des évéques de Coutances (
    ibid. p. 487 à 90.).
          Parmi les raisons qui d'après un contemporain de Geoffroy Herbert, engagèrent ce prélat à bâtir le château dé la Motte, il en marque une d’où l'on peut conclure qu’il était
    fortifié ut ipse suique posteri, si quid hostile immineret, quo se tuto reciperent habere possent.
          Nous trouvons d'ailleurs que le château antérieur à celui-ci était fortifié. Les Anglais s'en emparèrent sous le règne de Henri V. En 1418, Jean Birmingham reçut l'ordre de s'en saisir au nom du roi d'Angleterre.
    De potestate datâ à rege H. V Johanni Bremingham ad castrum de la Motte in manu regis capiendum (Rolles normands de la Tour de Londres tom. I, p. 250).
         En 1420, les Anglais en étaient encore maîtres. Reginald West en fut nommé gouverneur.
    Capitaneus fortalitii de la Motte (ibid. p. 320).

          Ce fut à la p!ace de cette forteresse que soixante-dix ans plus tard Geoffroy Herbert fit bâtir le château dont Guillaume de La Mare son panégyriste et son ami, fait la plus magnifique description.
          En 1573, ce château eut beaucoup à souffrir de la part des protestants. Artus de Cossé, alors évêque, l'abandonna et alla a St-Planchez habiter le château de Loiselière, dépendant de son abbaye du Mont-Saint-Michel. Depuis ce temps, je ne vois pas qu’il ait été fréquenté par les évêques de Coutances. Quand l’abbé de Billy écrivait son histoire des évêques en 1700, beaucoup de parties étaient dégradées et depuis longtemps n'étaient plus entretenues.
          Une des principales raisons qui firent négliger le château de la Motte c'est que des le temps d’Artus de Cossé et sous ses successeur, nos évêques eurent généralement dans leur diocèse des abbayes où ils pouvaient trouver des habitations plus commodes que dans ces demi forteresses dont la nécessité seule pouvait faire supporter !es inconvénients.
          A la révolution, le château de la Motte abandonné depuis bien des années a entièrement cessé d'exister. Il était dans une vallée étroite, à l’extrémité des paroisses de Saint-Ebremond et de Saint-Sauveur-de-Bon-Fossé. Les eaux qui l'entouraient en faisaient la principale force.
          A peu de distance du château, vers le midi sur le territoire de Saint-Sauveur, on voit dans un bois les restes d'un retranchement considérable qui formait une enceinte étendue. Serait-ce celle du parc de Geoffroy de Montbray dont j'ai parlé ? On pourrait m'objecter qu'il n'est pas sur la paroisse de Saint-Ebremond et que ces retranchements n'auraient pas suffi pour retenir les bêtes fauves qu'on y aurait enfermées. Je crois que ces objections ne seraient pas Insurmontables.
          D'un autre coté cette enceinte indépendante de celle du château ne serait-elle pas un retranchement militaire ? Alors elle serait antérieure au château. Si on lui supposait une origine romaine le nom de
    fossatum viendrait à l’appui de cette conjecture. Ce nom, en Angleterre, et aussi souvent chez nous, indique généralement le voisinage dune voix romaine. Un examen plus approfondi me mettra, je l'espère dans le cas de remonter à l’origine de ce Bon-Fossé dont quatre communes portent le nom.

     

    CANTON DE CANISY.

     
    120. CHÂTEAU DE SOULE.

     

          J'ai dit plus haut, en parlant du château de Saint-Lô, que le fief de Soule était une dépendance de ce château.
          Je n'en reparlerai pas ici, si je n'eusse trouvé que cette dépendance ne dura pas longtemps, et qu'un seigneur de. Soule était à !a conquête, ce qui est prouvé par l’autorité d'une chronique de Normandie et de Gabriel Dumoulin, mais surtout par celle de Robert Wace.

          Et cil de Sole et d’Orival (Roman de Rou, tom. II p. 249).
          Après la conquête, je ne retrouve ni ce seigneur, ni ses enfants ; je vois seulement que la terre de Soule fut donné au chapitre de la cathédrale de Coutances qui l’échangea avec Philippe-Auguste (
    Repert. in-f° p. 324) Cependant il en resta quelque partie à l’évêché de Coutances, car en 1238, Hugues de Morville, alors évêque, en fit la cession au roi Saint Louis, afin d’être affranchi du service militaire qu’il devait dans quelques châteaux du roi (Gall. Christ. XI, col. 879-80).
          Il faut qu'il y ait eu de grands changements dans la tenure de ce fief, car sous le règne de Henri II ( Plantagenêt ) Guillaume de Soule devait à ce roi le service d'un chevalier et dans le comté de Mortain, celui de deux chevaliers.
          Trente ans plus tard quand Philippe-Auguste fit rédiger l'état des fiefs de la Normandie, le même seigneur devait le service d'un chevalier pour l’évêque de Coutances (
    Lib.feodor. D. Regis Philipp. penès nos, p. 7).
          Je n'ai pas trouvé à Soule l'emplacement d'un château il est possible qu'il n'y en ait jamais eu.
          Dans le doute, j’ai cru devoir signaler ce lieu comme un objet de recherches ultérieures.


    121. CHÂTEAU DE CANISY.

     

           Les généalogistes de l'ancienne famille Carbonnel prétendent que la terre de Canisy était dans cette famille des le temps de la conquête. Ils appellent Hubert le seigneur de Canisy qui fut à cette expédition, ce qui est conforme à un catalogue de Duchesne (Hubertus de Canesio. Catal. nobilium qui immédiate praedia à conquistatore habuere. Norman, script. collect. p. 1027).
          Trente ans après là conquête, Hugues Carbonnel suivit le duc Robert, fils du Conquérant, à la Terre-Sainte, et se trouva à la prise de Jérusalem. Il paraît qu'il se distingua beaucoup à cette glorieuse expédition (
    Mercure galant, avril 1696).
          Dans le siècle suivant je trouve un autre Hugues de Carbonnel seigneur de Canisy (
    Anc. chât. de l'arrond. de Cout., v. Cerences. Traduct. de Ducarel, p. 236).
          Suivant une liste des seigneurs de Canisy, publiée en 1696, on voit que depuis le 11e siècle, jusqu'au temps où cette liste parut, la châtellenie de Canisy avait été sans interruption possédée par les Carbonnets (
    Merc. gal. ubi suprê).
          A cette époque, elle était à René de Carbonnel, lieutenant pour le Roi en Normandie gouverneur des ville et château d'Avranches qui, à la tête de la noblesse du pays et d'une levée volontaire des habitants, venait de faire échouer une tentative des Anglais contre le port de Granville.
          Par lettres du mois de décembre 1619 enregistrées en 1643 René de Carbonnel, seigneur du Hommet Canisy et Courcy capitaine et gouverneur d'Avranches lieutenant du Roi en Cotentin, obtint, en considération de sa naissance de ses services et de ceux de Hervé son père seigneur de Canisy, Cambernon et chevalier du St.-Esprit, l'union et l'érection des baronnies de Courcy du Hommet et de Canisy composées, la première de trente-deux paroisses, dont relevaient cinquante-six fiefs, et la dernière de vingt-huit paroisses dont relevaient vingt-sept fiefs, en marquisat de Canisy.
          Par ses lettres d'érection, le Roi ratifia l'acte d'échange passé à Saint-Lô entre Charles de Matignon, comte de Torigny baron de Saint-Lô, et Hervé de Carbonnel, seigneur de Canisy, en vertu duquel la terre et seigneurie de la Meauffe, dépendance du Hommet, relèverait de Saint-Lô, au lieu de la terre de Canisy qui, par ce moyen fut incorporée à la baronnie du Hommet, mouvante et relevante immédiatement du Roi à cause du château de Carentan comme celle de Canisy, à cause du château de Falaise (
    La Chesnaye des Bois, dict. de la noblesse, tom. III, verbo Canisy.).
           Depuis l'érection de Canisy en marquisat, la baronnie du Hommet jadis une des plus importante du Cotentin, a perdu son ancienne splendeur. Cette décadence a été d'autant plus rapide que durant tout le 17e siècle la branche des Carbonnels de Canisy a été très distinguée par ses services militaires et par des emplois éminents qui en ont été, la juste récompense.
          C'est au temps de cette érection qu'il faut faire remonter la construction du château actuel, habitation considérable mais qui, comme toutes celles de là première moitié du 17e siècle y offre un extérieur imposant avec des distributions et des appartements bien moins commodes que dans le siècle suivant.
           Ce fut en 1709, qu'Antoine de Faudoas épousa une fille que René de Carbonel avait eue d'un premier mariage.
          D'une deuxième femme, celui-ci eut des fils qui devinrent après lui marquis de Canisy. Cette branche s'éteignit en 1700, et le marquisat de Canisy entra dans la famille de Faudoas, et passa de celle-ci, par mariage, à M. le comte de Kergorlay, pair de France, propriétaire àctuel.
           Dans le livre noir de l'Echiquier j'ai trouvé des Carbonnels établis en Angteterre à une époque très rapprochée de la conquête (
    Durand Carbonnel tenet feodum i militis de Galfrido de Magneville in episcop. Lib. niger scacc. t. I ; p.229).
          Hue (Hugues) de Carbonnel
    de Canegy (Canisy) portait
    d'azur au chef de gueules à trois tourteaux d'hermines (Dumoulin, catalogue de Bayeux, p. 5.), d'autres branches brisent de trois tourteaux d'argent.
          Chevillard donne un peu différemment les armes des marquis de Canisy.
    Coupé de gueules et d'azur à trois besants (tourteaux) d'hermines, 2 et 1.
          Les armes de Faudoas sont d'azur à la croix d'or mi parties des armes de France, à cause d'un mariage avec l'héritière de Barbazan, l'ami de Charles VII, son chambellan un de ses meilleurs généraux, le restaurateur du royaume et de la couronne de France, enterré à Saint-Denis comme le connétable Duguesclin dont il eut la valeur et le dévouement.
          Celles de Kergorlay sont
    vairées d'or et de gueules surmontées de la devise « Aide-toi, Kergorlay et Dieu t'aidera. » Cette devise date de la bataille d'Auray (1364), ou Jean de Kergolay, troisième du nom fut tué en combattant avec Duguesclin pour le parti de Charles de Blois.
          L'emplacement de l'ancien château s'appelle le Château-Robert (Hubert). Il est au bas d'une avenue assez courte partant de l'habitation actuelle, et se dirigeant vers la vallée ou coule la petite rivière d'Aure. Je n'y ai observé aucune trace de maçonnerie mais le mouvement de terrain annonce que cet emplacement a du être considérable ( beaucoup plus que celui du château de Saint-Gilles qui est à l'autre bord de la vallée). Si, au lieu de Robert, on donnait à celui qui possédait autrefois l'ancien château de Canisy le nom de Hubert, ce serait le prénom de celui des Carbonnels qui accompagna le duc Guillaume à la conquête de l’Angleterre.

     

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    122. CHATEAU DE MARIGNY.

     

          La grande commune de Marigny, chef. lieu du canton qui porte son nom, le fut autrefois d'une baronnie qui donnait droit de séance à l’Échiquier de Normandie parmi les barons du Cotentin.
          Elle offre au faiseur de recherches un emplacement de château très remarquable et des plus considérables du département. Cependant je ne vois pas un seigneur du nom de Marigny à la conquête de l'Angleterre ; je présume que celui qui possédait alors cette baronnie figura sous un autre nom à cette expédition mémorable.
          Les plus anciens seigneurs de Marigny, dont j'aie eu connaissance, appartiennent à une des principales familles normandes établies en Angleterre, dès le temps de la conquête : c'est celle de Say (ou Sey) qui tirait son nom d'une commune dans l'arrondissement d'Argentan.
          Dans l'onzième volume de la Gallia Christiana, je trouve une chartre de 1060 où figure Picot de Say avec Robert et Henri ses fils (
    Gall. Christ. XI. instrum eccles. Sagiesis, col. 152) ; ils font à Saint-Martin-de-Séez des donations dans la paroisse de Say, Dans le siècle suivant, Jourdain seigneur de Say et Luce sa femme fondèrent l'abbaye d'Aunay (Gall. Christ. XI, col. 443). Gilbert, fils de Jourdain, confirma, en 1151, les donations faites par son père à cette abbaye. Il y en ajouta de nouvelles (lbid.) ; il data sa chartre de son château de Marigny (Neust. pia, p. 760), et mourut peu après sans avoir été marié.
          De trois enfants de Jourdain il ne restait plus qu'une fille, nommée Agnès : elle épousa Richard du Hommet, connétable de Normandie, et lui apporta en mariage tous les biens du fondateur d'Aunay,
          Son mari, elle et leurs trois fils Guillaume, Enguerrand et Jourdain, confirmèrent de nouveau les donations du fondateur. Parmi les donations qu'ils y ajoutèrent on voit Marigny avec le bourg (
    Ibid, p.759).
          Nous avons établi que Marigny fut d'abord à la famille de Say puis à celle du Hommet : il nous reste à prouver que ce ne peut être Marigny dans un autre diocèse cela est aisé au moyen du livre noir de l'évêché. Voici ce que j'y trouve :
    Ecclesia de Marigneio patronus abbas de Alneto.
          La seigneurie de Remilly, unie à celle de Marigny dès le temps des premiers du Hommet, après Jourdain et Gilbert de Say formait ainsi réunie une demi baronnie, et devait au roi Philippe Auguste le service de deux chevaliers et demi (
    Lib. feodor. Philip. reg. Aug. penès nos, p. 3). Ce service se faisait par Enguerrand du Hommet, pour le connétable, son frère aîné.
          Après les du Hommet, le premier baron de Marigny et de Remilly que je trouve est le sire Guillaume de Courcy. Sous le règne de Philippe-le-Hardi, il épousa Anne héritière de ces deux seigneuries qu'elle lui apporta en mariage (
    La Chenaye des Bois Diction. verbo Courcy).
          Tiphaine de Courcy héritière de ces deux seigneuries dans le 14e. siècle les porta en mariage à Gilbert de Malesmains (
    Laroq., maison d'Harc., p.1311), dont nous avons parlé en faisant l'énumération des châteaux de l'arrondissement d'Avranches à l'article Sacey(Voir le tom. precéd., p.132-133).
          Jeanne, fille et héritière de Gilbert, épousa Olivier de Montauban, seigneur breton, qui mourut en 1388 (
    Grands offic. de la couron., tom. VII, p. 856-7). Les descendants, seigneurs de Marigny et Remilly furent grands baillis du Cotentin.
          Henri V, roi d'Angleterre devenu maître de la Normandie vers 1418, confisqua la seigneurie de Marigny et la donna à un seigneur de Thiboutot qui avait suivi son parti mais en 1450, Jean sire de Montauban maréchal de Bretagne en fut remis en possession et fut nommé grand bailli du Cotentin à la place de son père (
    Hist. manusc. des grands baillis du Cotentin. Grands offic. de la couron., tom. VII, p. 857). En 1451, il rendit aveu au Roi des terres de Marigny et de Remilly. En 1465, il obtint droit de haute justice pour ses terres de Normandie. Il mourut à Tours en mars 1466. Sa fille unique, héritière de ses biens les porta en mariage dans la famille de Rohan Guémené (Grands offic. de la couronne t. IV, p. 78 à 80).
          Quand M. Foucault, intendant de Caen, à la fin du 17e siècle et au commencement du 18e, donna l'état de sa généralité, le seigneur de Marigny était un Rohan-Guéméné. M. de Guer, autre seigneur breton, possédait le marquisat de Marigny au commencement de la révolution.
    D'après un aveu de la seigneurie de Marigny, rendu au Roi en 1408, on voit que c'était alors une demi-baronnie dont dépendait Gratôt qui était un fief de chevalier.
          Antérieurement à cette époque il y avait à Marigny
    un château avec douves et fossés et un vivier à refoul. Le seigneur était patron de la chapelle de Remilly dont il avait l'administration. Le seigneur de Camprond était obligé de passer une nuit à la porte du château, dans la rue du Nord avec trois flèches ferrées.
          Marigny avait été démembré de la baronnie de Say à Quettreville, qui s'étendait aux paroisses de Cérences, Cenilly, Guehébert, la Haie-Contesse, Hauteville-le-Guichard, Marigny, le Lorey, le Mesnil-Vigot ; l'autre moitié à RémilIy, Saint-Ebremond, Saint-Louet-sur-Lozon, Saint-Nicolas de Coutances.
          Le seigneur de Marigny possédait à Hauteville-le-Guichard une futaie de quatre-vingt arpents close en partie de murs et un château que M. de Guer avait remplacé par une très-belle habitation moderne vendue durant la révolution, et détruite avant d'avoir été terminée.
           En sortant du bourg de Marigny pour aller à la grande route de Coutances à Saint-Lô, on voit vers le midi la grande Motte de l'ancien château fort. Cette élévation factice nommée encore
    Butte du Castel est escarpée quoique peu élevée. Elle était en grande partie défendue par les eaux du vivier qu'on y faisait refluer à volonté. Je n'y ai reconnu aucunes traces de maçonnerie.
          La famille de Say a été illustre en Angleterre dans les temps rapprochés de la conquête. Son nom y subsiste encore sur la liste des lords. Banks la fait remonter à Picot de Say qui vivait sous le règne du Conquérant. Elle portait autrefois
    écartelé d'or et de gueules (Banks extinct baronage, tom. II, p. 461 et seqq. ).
          Je ne donne pas les armes des autres seigneurs de Marigny. Elles se trouvent presque toutes gravées dans l'histoire des grands Officiers de la couronne. Nous verrons bientôt celles des barons du Hommet.

     

    [ Ce château possède son article dans ce blog à cette adresse : http://remparts-de-normandie.eklablog.com/les-remparts-de-marigny-manche-a139633332 ]

     

    Pour les autres châteaux de l'arrondissement de Saint-Lô, voir les cantons de Saint-Jean-de-Daye et de Carentan , aller ici. [NdB]

     

     

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